FRANCAIS

L'histoire en tant que science et champ d'études est en pleine mutation.
Grâce aux apports constants de l'archéologie, de la génétique, ainsi qu'à la confrontation avec d'autres sciences humaines (anthropologie, sciences sociales) ou "sciences dures" (démographie, biologie, statistiques) ce que l'on pensait acquis sur l'histoire et la généalogie des peuples est constamment enrichi et remis en question.
Ce blog a pour objet d'informer sur certaines découvertes qui modifient (ou pourraient modifier) nos connaissances sur nos ancêtres, des premiers homo sapiens jusqu'à nos grands-pères...


ENGLISH

History as a science and a field of study is undergoing significant changes.
Thanks to the contribution of archaeology, genetics, as well as exchanges with other human sciences (anthropology, social sciences) or "hard sciences" (demography, biology, statistics), historical and genealogical facts that were once considered to be established or "written in stone" are now being questioned, revised and enriched.
The aim of this blog is to inform and discuss current discoveries that modify (or could modify) what we know about our ancestors, from the first homo sapiens to our grandfathers...



lundi 18 novembre 2013

Faire parler l'ADN fossile

un ancien article du "Monde" sur l'ADN fossile mais toujours d'actualité..

Ludovic Orlando, à cheval sur l'ADN

LE MONDE SCIENCE ET TECHNO | |

Jurassic Park ? N'en parlez pas à Ludovic Orlando. Non qu'à 36 ans le jeune chercheur soit déjà lassé des superproductions hollywoodiennes. Mais en raison d'un "biais" qui serait caché dans le scénario de Steven Spielberg. Le film, on s'en souvient, raconte comment des savants font réapparaître des dinosaures à partir d'un matériel génétique trouvé dans de l'ambre. Or, raisonne Ludovic Orlando : "Si une telle chose était possible, cela signifierait que l'on serait capable de reconstituer n'importe quel écosystème. Et donc, de réparer les dégâts irrémédiables causés à la nature en la remettant, à volonté, dans son état primitif, virginal."
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Ce sentiment de confiance "absolue" accordée à la technologie, Ludovic Orlando trouve "dangereux" de le répandre dans le public. Surtout qu'titre personnel", il ne "croi[t] pas" que l'on soit en mesure de ressusciter, un jour, un seul de ces animaux préhistoriques effacés de la surface de la Terre, il y a... 65 millions d'années !
Professeur associé au Center for GeoGenetics, du Muséum d'histoire naturelle du Danemark, ce natif de Marseille sait de quoi il parle : lui et son équipe viennent de battre, de plusieurs milliers de siècles, le record du plus ancien génome jamais décrypté.

TECHNOLOGIES DE SÉQUENÇAGE DERNIER CRI

Décrite en juillet dans Nature, cette reconstitution virtuelle de 50 % à 70 % du patrimoine génétique d'un cheval mort il y a entre 560 000 et 780 000 ans a été réalisée, grâce à des technologies de séquençage dernier cri, à partir d'un os fossilisé découvert dans le pergélisol canadien. Et a permis d'éclairer d'un jour nouveau certains chapitres de l'histoire évolutive du genre Equus, qui regroupe le zèbre, l'âne et le cheval.
Cette expérience aura eu également le mérite d'illustrer l'incroyable difficulté d'une telle opération, dont la nature et la finalité s'avèrent sans rapport avec le projet de zoo de John Hammond, le célèbre directeur de Jurassic Park.
C'est que Ludovic Orlando le sait bien, lui qui, alors étudiant en magistère à l'ENS Lyon, a commencé "par goût de l'histoire" à se familiariser, en 1998, avec ce domaine : en matière d'ADN ancien, mieux vaut pécher par excès de prudence. Certes, l'époque, "passionnante ", est celle de la découverte du premier bout de génome de néandertalien (36 000 ans). Mais elle marque aussi la fin du temps de l'innocence de la discipline.

"MISE EN PLACE DE MÉTHODOLOGIES ET DE PROTOCOLES DE DÉCONTAMINATION"

Née en 1984, avec l'exhumation d'un fragment d'ADN de couagga, un équidé disparu au XIXe siècle et dont des restes avaient été conservés par taxidermie, la paléogénétique vient de connaître sa grande crise. Les annonces, au début des années 1990, de publication de fragments d'ADN d'organismes très anciens, comme des magnolias vieux de 17 millions d'années, des charançons piégés dans de l'ambre il y a 100 millions d'années ou encore un Tyrannosaurus rex de 80 millions d'années, ont toutes été démenties. Les études démontrant, à chaque fois, une contamination des échantillons par de l'ADN de bactéries, de champignons et d'êtres humains... actuels !
Cette série de déconvenues contribuera à cesser la course à la reconstitution de séquences toujours plus âgées. D'autant plus définitivement qu'il sera rapidement prouvé qu'en raison d'un phénomène de dégradation des molécules d'ADN, toute tentative pour décrypter un patrimoine génétique à partir d'un fossile daté de plus d'un million d'années est en réalité impossible. "Elle aura eu le mérite d'amener la communauté à réfléchir à la mise en place de méthodologies et de protocoles de décontamination", estime avec le recul Ludovic Orlando qui, auteur de plusieurs articles et d'un livre, est intarissable sur le sujet.
Des efforts payants. Lorsqu'il devient en 2005, après sa thèse (distinguée par le prix Le Monde de la recherche universitaire en 2004) et deux ans d'enseignement dans le secondaire, maître de conférences à l'ENS Lyon, le jeune chercheur découvre une discipline en plein essor. Entre temps, une nouvelle technologie de séquençage développée par l'industrie médicale a considérablement abaissé les coûts. "D'un coup, il devenait possible d'identifier en quelques heures des centaines de milliers de paires de base d'ADN, voire des millions, là où des semaines, des mois et même des années étaient auparavant nécessaires."

OS FOSSILISÉ

Le procédé n'étant pas immédiatement disponible en France, Ludovic Orlando collabore avec une équipe de l'Institut Max-Planck, à Leipzig (Allemagne), sur l'homme de Neandertal. Puis, en 2010, il quitte Lyon pour Copenhague. Reconnu pour avoir établi, dès 2003, qu'il est possible de retrouver dans les terres gelées du pergélisol des fragments d'ADN d'animaux anciens, même en l'absence de fossiles, le Center for GeoGenetics dispose de toutes les facilités en termes de locaux et de matériel.
Sur place, Ludovic Orlando participe au séquençage d'un paléo-esquimau découvert au Groenland et vieux de 4 000 ans qui s'avère plus proche des peuples d'Extrême-Orient que des Inuits. Puis c'est au tour des Aborigènes de livrer quelques-uns de leurs secrets de la colonisation de l'Australie. L'équipe de Ludovic Orlando s'intéresse aussi aux grands mammifères de la préhistoire et aux arbres de Scandinavie dont la disparition ou la survie dans certaines régions boréales au cours des grandes glaciations est un sujet de polémique.
Tout cela avant qu'un coup de chance mette dans les mains du Français un os fossilisé de cheval, exceptionnellement bien conservé et daté. Son analyse une fois achevée, à quelle nouvelle espèce le scientifique consacrera-t-il ses efforts ? "Toujours le cheval. Cette espèce et son genre ont l'avantage d'avoir été très étudiés par les paléontologues et de soulever beaucoup de questions sur la domestication et sur la conservation." Des interrogations certes moins spectaculaires que celles des savants de Jurassic Park. Mais auxquelles la paléogénétique se sent désormais suffisamment mûre pour répondre...

"L'Anti-Jurassic Park. Faire parler l'ADN fossile", de Ludovic Orlando (Belin - Pour la science, 2005).

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