FRANCAIS

L'histoire en tant que science et champ d'études est en pleine mutation.
Grâce aux apports constants de l'archéologie, de la génétique, ainsi qu'à la confrontation avec d'autres sciences humaines (anthropologie, sciences sociales) ou "sciences dures" (démographie, biologie, statistiques) ce que l'on pensait acquis sur l'histoire et la généalogie des peuples est constamment enrichi et remis en question.
Ce blog a pour objet d'informer sur certaines découvertes qui modifient (ou pourraient modifier) nos connaissances sur nos ancêtres, des premiers homo sapiens jusqu'à nos grands-pères...


ENGLISH

History as a science and a field of study is undergoing significant changes.
Thanks to the contribution of archaeology, genetics, as well as exchanges with other human sciences (anthropology, social sciences) or "hard sciences" (demography, biology, statistics), historical and genealogical facts that were once considered to be established or "written in stone" are now being questioned, revised and enriched.
The aim of this blog is to inform and discuss current discoveries that modify (or could modify) what we know about our ancestors, from the first homo sapiens to our grandfathers...



lundi 16 décembre 2019

QUELQUES PONTS GÉNÉALOGIQUES VERS LE MOYEN ÂGE DANS LE NORD ET LE PAS DE CALAIS


La généalogie, c’est à la fois le plaisir de remonter le temps et de mêler petite et grande histoire, mais c’est aussi l’ancrage et l’attachement à une famille, un réseau social, un lieu. Se trouver quelques ancêtres nobles parmi tous nos laboureurs, journaliers, marins, bateliers, artisans ou ouvriers, c’est donc souvent l’heureuse surprise qui satisfait toutes ces attentes à la fois. Après tout, l'objectif premier du/de la généalogiste n’est-il pas souvent de développer son arbre le plus loin possible ? L'avantage (et donc l'attrait) des ancêtres nobles est alors qu'ils permettent généralement des remontées plus anciennes (et plus fournies en actes divers) que pour la très grande majorité de nos ancêtres.
En 25 ans de recherches essentiellement consacrées au Nord et au Pas de Calais avec la Belgique voisine comme élément d’exotisme, sinon culturel du moins linguistique, j’ai croisé un certain nombre de filiations nobles. J’ai toujours eu le sentiment que certaines zones (Boulonnais, Audomarois, Douaisis et Weppes en particulier) semblaient plus favorisées que d’autres de ce point de vue. Ainsi, alors que le Ferrain est la terre d’élection des censiers, on y croise très peu de filiations nobles alliées parmi ces derniers. Au-delà d’une analyse prosopographique, socio-culturelle, économique et juridique qui pourrait pointer certaines caractéristiques favorables ou défavorables à cette présence, il m’a toujours semblé qu’il s’agissait surtout d’une inégalité des zones géographiques au regard des archives disponibles. Les guerres en tout genre et à toutes époques ont charrié leur lot de destructions mais le premier conflit mondial a eu des conséquences particulièrement désastreuses pour la région de Bailleul et d’Hazebrouck par exemple. Les rattachements potentiels à la noblesse disparaissent alors en même temps que les sources…
Il existe cependant un certain nombre de voies généalogiques connues vers les familles nobles de notre région que l’on retrouve dans les documents existants, que ceux-ci soient des actes originaux ou des sources secondaires, principalement des manuscrits et études d’érudits à travers les siècles. Je n’ai ni l’intention ni la capacité de recenser toutes ces voies connues comme les BOURNONVILLE et leur descendance (du BLAISEL, de CAMPAGNE, de LENGAINE, de COUVELARD, de PARENTY etc.), ainsi que les CREQUY, de CALONNE ou de BONNIERES dans le Boulonnais, l’Audomarois et le Montreuillois, les BAILLIENCOURT dit COURCOL, de BASSECOURT/du PEAGE, de BOISLEUX ou DORESMIEUX en Artois, les LESAIGE/de WISQUETTE pour le Douaisis, les de HAYNIN pour le Valenciennois, les de RECOURT pour le Cambrésis, les JEROON, de WULF, de MORBECQUE, de VICQ/MUISSART ou van PRADELLES/MAES de PALMAERT en Flandre, les de LANDAS ou CROIX dit DRUMEZ dans la région lilloise, les de THIEFFRIES pour la Pévèle etc.
Parmi ces filiations, certaines sont assez assurées mais déjà suffisamment connues pour ne pas faire l’objet d’un article. Pour d’autres, leur « renommée »  n’est pas toujours gage de fiabilité et plusieurs de ces rattachements, en particulier lorsqu’ils se produisent à des périodes bien antérieures aux actes notariés ou registres paroissiaux, ont des « faiblesses » sur lesquelles beaucoup de généalogistes ne souhaitent pas s’étendre. Il s’agit d’un écueil courant dans les recherches sur les familles nobles. L’intérêt qu’elles suscitent, pas toujours pour les meilleures raisons, a nourri tous les travers de la recherche historique et généalogique : filiations basées sur des documents sciemment contrefaits ou inventés, filiations de complaisance ou imaginaires, rapprochements indus sur la base du patronyme, de l’héraldique ou de la géographie, et j’en passe…
Dans cet article, mon objectif est plutôt de m’attarder sur quelques rattachements nobiliaires qui seraient à la fois relativement méconnus, provenant des diverses zones géographiques de notre région, généalogiquement très intéressants, avec une descendance avérée dans le monde des laboureurs, et suffisamment solides en termes de fiabilité du fait de la validation de ces filiations par des actes originaux issus des registres paroissiaux, des archives notariales, des états de biens et maisons mortuaires ou des registres de bourgeoisie.
Je vous invite ainsi à vous promener avec moi sur quelques « ponts en pierre" vers le Moyen-Âge….

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Jeanne de BERSACQUES °ca1545 +p1595a1610 (Blendecques)

A tout seigneur tout honneur, je commencerais de manière très immodeste en présentant une filiation que Didier Bouquet et moi-même avons découverte en 2011 sur une branche ignorée jusque-là de la famille de BERSACQUES. Les travaux de Michel Champagne avaient posé les fondations mais il a fallu deux actes découverts par Bernard Chovaux pour consolider ce rameau et élargir le cercle des descendants de cette famille.
Un soir d’août 2010, en consultant les actes du Gros de St Omer pour l'année 1610 relevés par Bernard Chovaux je tombais sur un partage de famille où est citée parmi les enfants de Gilles HERZELLE et Jeanne de BERSACQUES, Françoise HERZELLE mariée à Pierre HAMBRE. Cet acte m’intéressait au plus haut point puisque je descendais de ce couple marié à Blendecques le 07/10/1606 (avec contrat de mariage à Saint Omer).
Une fois établi le rattachement familial aux BERSACQUES, il fallait maintenant reconstituer la filiation exacte de Jeanne. Didier Bouquet descendant du même couple, nous fîmes effort commun. Deux actes trouvés par Bernard Chovaux dans les comptes anniversaires et les terriers de Bilques confirmèrent que Jeanne était fille de Pierre dit Porrus de BERSACQUES ce qui, confronté aux travaux précédents de Michel Champagne faisant de Pierre dit Porrus un fils de Thomas et Marie de LIANNES et un petit-fils de Jacques et Marie MUSELET dit de SAINT MARTIN, permît de raccrocher une nouvelle branche au tronc commun des BERSACQUES.
Cette nouvelle branche permet notamment aux couples Robert HERZELLE x Marie BOURSIER, François HERZELLE x Antoinette DEHEGHE, Françoise HERZELLE x Pierre AMBRE ( et leurs enfants Jeanne AMBRE x Jean FONTAINE, Marie AMBRE x Baudouin FRERET, Antoine AMBRE x Jeanne TARTARE), tous de Blendecques, de se rattacher aux seigneurs de Longvilliers, puis aux CAYEU et par ces derniers à Aalis de SAINT OMER fille de Guillaume et Ide d’AVESNES, elle-même descendante des comtes de NAMUR et donc de la dynastie carolingienne[1].
Mais au-delà de cette nouvelle branche, de nombreuses familles se rattachent au couple Jacques de BERSACQUES et Marie MUSELET par un autre de leurs fils, Philippe qui, avec son épouse Jacqueline de WAILLY, eurent au moins 14 enfants connus. Parmi ceux-ci on retrouve Adrienne de BERSACQUES x Nicaise PIERS (avec une descendance par leurs enfants Jacqueline x Oste DEVINCQ, Lamberte x1 Guillaume DELATTRE x2 Guillaume de le CREUZE, Gérard x Marie MASSEMIN, Marie x Pierre DUPREY et Péronne x Jean DELATTRE), et Marguerite de BERSACQUES x Gilles ROELS (et leurs enfants Marguerite x Jacques MASSEMIN, Jean x Gillette BREUS, Jeanne x Mathieu EVERARD, Jacquemine x André RENGHIER, Allard x Marguerite de BRAUWERE, et Mahieu). Mais on retrouve aussi une descendance par les familles WALLERICQ et PENANT d’Eperlecques, ou les LEROY de Campagne les Wardrecques[2]

Raphaël MERCATELLIS °ca1443 +12/08/1508 (Douai)

La deuxième filiation est l’une des plus intrigantes. Le duc de Bourgogne Philippe le Bon eut d’une Marie de BELLEVAL, apparemment épouse de Jean de MERCATEL, un fils qui, de manière surprenante, prit comme patronyme une variation du nom du mari trompé ! A moins qu’il ne s’agisse d’une invention a posteriori pour expliquer ce nom de famille particulier...
Ce « bâtard de Bourgogne », Raphaël MERCATELLIS, nommé abbé de Saint Bavon à Gand et évêque in partibus de Rhosus en Syrie, eut deux enfants naturels avant de mourir à Bruges en août 1508[3]. L’un des deux, nommé également Raphaël, vint s’établir à Douai (dont il acquit la bourgeoisie en 1515) pour exercer la profession de médecin. De son épouse Claire IMPENS il eut plusieurs enfants qui assurèrent sa descendance à Douai au travers des couples Anne MERCATELLIS x Jean BRUNEL (et leur fille Philipotte x1 Jean BLONDEAU x2 Paul COUSIN), Jeannette MERCATELLIS x Jacques LANCRIN, ainsi que Nicolas MARCATEL (professeur de médecine à l’Université et échevin de Douai) x Guillemette de SOMMAIN (et leurs enfants Marguerite x Balthazar LEBRUN, Anne x1 Pierre CHOPART x2 Adrien LEFEBVRE, et Jacques x Françoise de RAISMES). Ces filiations peuvent être reconstituées grâce au tabellion de Douai et aux registres de bourgeoisie de cette même ville. Cette descendance illégitime de Philippe le Bon n’était pas inconnue des érudits puisque tant Hubert Nelis[4] que Patrick van Kerrebrouck[5] ou Frederik Buylaert[6] y consacrent quelques lignes sans s’attarder cependant sur les détails[7]
L’ascendance de Raphaël est évidemment prestigieuse. Rappelons simplement que le duc Philippe le Bon était fils du duc Jean Sans Peur et de son épouse Margaretha de BAVIERE. Marie de BELLEVAL pour sa part serait fille de Jean de BELLEVAL et Jeanne de FRICAMPS. Selon le marquis de Belleval qui avait écrit sur sa famille[8], les BELLEVAL seraient issus des comtes de Ponthieu.


Philippe François de BOURGOGNE °ca1641 +09/07/1702  (Marquillies)

Pour poursuivre dans la lignée de la descendance illégitime des ducs de Bourgogne, il me faut maintenant dire un mot de la plus proche de nous : celle de Philippe François de BOURGOGNE et de son fils Balthazar Philippe François, tous deux se succédant comme seigneurs d’Herbamez, et qui eurent à la toute fin du XVIIe et au début du XVIIIe siècle une nombreuse descendance légitime et illégitime, parmi lesquels plusieurs petits laboureurs, journaliers ou cabaretiers, principalement à Marquillies mais également dans les villages alentours, et cela notamment parmi les familles MAHIEU, BEHAGUE, BRUNEL ou DEROUBAIX. L’existence et les évènements de vie de ces nombreux descendants (on connaît au moins 8 enfants à Philippe François et 9 pour son fils Balthazar) peuvent aisément être reconstitués par les actes des registres paroissiaux de Marquillies et le tabellion de la châtellenie de Lille[9].
Philippe François de BOURGOGNE était issu à la 7e génération de Jean de BOURGOGNE, évêque de Cambrai et fils de la relation adultérine du duc Jean Sans Peur et de Agnès de CROY. Parmi les autres familles de l’ascendance de Philippe François, on peut noter les BRIOIS, BAILLIENCOURT, OLHAIN ou LE CANDELE[10].


Marguerite de NEDONCHEL °1642-+p1675 (Bouvignies)

Pour la filiation suivante, c’est un meunier et sa descendance qui devinrent les protégés de la famille de NEDONCHEL, une attention portée par cette famille baronniale qui est un indice supplémentaire dans un faisceau de présomptions très étayées pour faire de Marguerite de NEDONCHEL, l’épouse de Pierre JOVENEAU, la fille naturelle de Denis Georges de NEDONCHEL, baron de Bouvignies.
Le 24/12/1662 à Bouvignies devant notaire, Pierre JOVENEAU souscrit un contrat de mariage avec Marguerite de NEDONCHEL. Le père de cette dernière n’est pas cité dans l’acte, et la mère de manière incidente au détour d’une donation, mais un ensemble d’indices sur deux générations permet de valider l’identité de Marguerite comme fille naturelle du baron, déjà décédé au mariage de celle-ci. Parmi ces indices on note que Marguerite est officiellement accompagnée pour la signature du contrat par le bailli du lieu, homme de confiance du baron de NEDONCHEL. Le nouveau baron et la mère de celui-ci, Bonne Victoire de LANNOY,  sont également présents puisqu’ils signent l’acte de mariage. Bonne Victoire, épouse légitime du baron décédé, fait une donation conséquente à la mariée avec qui pourtant elle n’a aucun lien familial, les NEDONCHEL seront aussi parrains et marraines de nombreux enfants JOUVENEAU etc. La pièce maîtresse du faisceau de présomptions est néanmoins la mention de « Denis Georges NEDONCHEL » comme père de Marguerite au contrat de mariage de 1688 du fils de cette dernière, Antoine François JOUVENEAU, avec Marie Brigitte DENIS.
Je renvoie à l’article de Roselyne Decreton-Carpentier sur son blog Ancêtres en Nord[11] pour plus de détails sur cette recherche. On connaît six enfants de Pierre JOVENEAU et de Marguerite de NEDONCHEL dont notamment Jean Baptiste x1 Anne BACUS x2 Marie DEFONTAINE, Antoine x Marie Brigitte DENIS, Guillebert x Jeanne BUSEIRE et Marie Louise x Nicolas COPLOS, censier «au village de Paluez près Oisy ». Parmi leurs descendants respectifs on retrouve les familles DESCAMPS et FIEVET de Bouvignies ou les BEAURY de Nivelle[12].
Pour ce qui concerne par contre l’ascendance du baron NEDONCHEL, on notera entre autres les familles de GRIBOVAL, de BERGUES, de GHISTELLES, de BAILLEUL, de LIGNE, de CALONNE ou de MASSIET[13].

Claudine de CUINGHIEN °ca1555 +entre 1640 et 1654 (Beaucamps Ligny)

Claudine, fille de Daniel, seigneur de Bleckhuys, et de Barbe DU BOIS DE HOVES, eut pour sa part une descendance de ses deux maris, Guillaume LEBRUN et Jean DENGLOS, à la fin du XVIe siècle à Beaucamps Ligny. C’est le riche tabellion de la châtellenie de Lille qui a permis de la reconstituer[14]. Au travers des couples Philippe LEBRUN x Martine DELAVAL, Pierre CARLIER x Marie LEBRUN, Maximilien LEBRUN x1 Barbe LEPOIVRE x2 Louise SANTER, Floris DEBARGE x Hélène DENGLOS et Jacques BIGOTTE x Pasque DENGLOS, cette descendance se retrouve aussi dans les familles DESPLANQUE, DELEPLACE, BOUSSEMART, BONNEL et CHARLET de Beaucamps.
Il existait une incertitude sur la filiation maternelle de Gilles de CUINGHIEN, grand-père paternel de Claudine, certaines sources imprimées en faisant le fils bâtard de Gérard « le Grand » de CUINGHIEN, d’autres le fils légitime de Gérard et de son épouse Jeanne de HINGETTES[15]. Le Manuscrit 601 de la Bibliothèque municipale de Lille, qui répertorie les généalogies de nombreuses familles de la châtellenie à partir de sentences de noblesse, de lettres de chevalerie, d’extraits de registres aux cognoissances et de registres des plaids de la ville de Lille, permet de trancher : Gilles était bien le fils naturel de Gérard[16] et ne descend pas de Jeanne de HINGETTES dont je développerai l’ascendance dans un prochain article.
On retrouve donc entre autres dans l’ascendance de Claudine les familles du BOIS de HOVES, de LONGUEVAL, de MORTAGNE, de THIENNES ou de WAVRIN.


Adrien François FROMENTIN 28/12/1673-27/07/1752 (Arras)

Les rejetons bâtards de familles nobles exerçaient tout le spectre des professions. Ainsi, Adrien François FROMENTIN fût maître sculpteur avant de devenir marchand épicier (!) Son père, qui portait le même prénom, était pour sa part seigneur de Monchy au Bois. La similarité des noms et prénoms pourrait laisser penser que le seigneur en question ne cherchait pas particulièrement à dissimuler cette descendance. Il n’y avait en effet aucun embarras social puisqu’Adrien François avait 20 ans et n’était pas marié lorsqu’un fils, aussi prénommé Adrien François, naquit de sa relation avec Anne PETIT. Pourtant, l’enfant ne fut probablement pas reconnu puisque sa filiation paternelle n’est précisée ni sur son contrat de mariage de 1705 ni dans l’acte de mariage. La filiation est cependant confirmée par la mention de sa naissance illégitime et du nom de son père dans son relief de bourgeoisie d’Arras en 1698.
Adrien François aura 13 enfants de son épouse Marie Anne DAMBRINES, d’où une descendance dans l’Arrageois au travers des mariages de Marie Anne FROMENTIN et André GAMOT, de Marie Guislaine avec Jean Baptiste LAVALLE, de Nathalie x Antoine François DAMART, de Marie Madeleine x Jacques Joseph PERIN et d’Alexandrine x1 Michel Joseph CAPELLE et x2 Jean Baptiste MOREL[17].
Quant à l’ascendance d’Adrien François, seigneur de Monchy au Bois, on y retrouve entre autres les familles DORESMIEUX, de WARLINCOURT, LE CANDELE ou OLHAIN.

Anne Marie de GHERBODE °27/01/1627 +03/04/1663 (Comines)

Le Ferrain, bien que disposant proportionnellement de moins de ponts vers le Moyen-Âge pour les familles roturières, n’est pas complétement dépourvu pour autant. Ainsi la famille de GHERBODE[18] se retrouve dans l’ascendance de plusieurs familles de censiers et laboureurs de la région au travers de l’alliance entre Pierre LOUAGE qui épouse Anne Marie Marguerite LAUMOSNIER le 25/11/1678 à Comines, la mère de cette dernière étant Anne Marie de GHERBODE. Celle-ci, fille de Nicolas, seigneur de la Haye et d’Eeckhoute, et Catherine de BEYGHEM, devint la femme du militaire Jean Baptiste LAUMOSNIER qui, une fois démobilisé en octobre 1648, revint à Wervicq pour épouser la jeune héritière (elle avait 21 ans à son mariage).
Par son père, Anne Marie de GHERBODE descendait entre autres des van HALEWYN/de HALLUIN, de HAUDION, de LANDAS, de BETHENCOURT ou PAELDINC, famille échevinale d’Ypres que j’ai étudiée dans un article précédent[19].
La descendance LOUAGE se trouve pour sa part essentiellement dans les communes de Comines, Wervicq, Langemark ou Zandvoorde, des deux côtés de la frontière franco-belge, au travers des mariages Marie Madeleine LOUAGE x Josse LAGRANGE, Marie Catherine LOUAGE x François CHARLEZ, Marie Françoise LOUAGE x Jean Baptiste CORDONNIER, ou Anne Catherine LOUAGE x Pierre Jean LEWILLE.

Isabeau de SAINT GENOIS °ca1610 +p1631 (Hénin-Liétard)

A Hénin-Liétard, c’est Isabeau de SAINT GENOIS qui permit à ses descendants de se relier à la noblesse du Moyen Âge. Elle y épousa le 1er mai 1631 Louis BILLEAU, laboureur. Une information apportée par Didier Bouquet confirme qu’il s’agissait très probablement d’un mariage « réparateur » puisque l’on trouve dans les registres d’Hénin la mention d’une naissance du couple un peu moins de trois mois auparavant [20]! Ce couple eut une postérité au sein des familles FROISSART, TAHON, LEROY, DEBOURS et CAULLET de la même commune au travers des deux mariages successifs de leur fille Cécile BILLEAU avec Mathieu FROISSART (en 1668) puis Jacques TAHON.
Isabeau était fille de Jean Baptiste, seigneur d'Aigneaucourt et bourgeois de Douai, et de Marguerite de la GLIZEULLE. Celle-ci était l’arrière-petite-fille de François de la GLIZEULLE et Madeleine de LUXEMBOURG. Or, selon un article érudit, cette dernière serait fille naturelle de Charles, évêque de Laon[21], et descendante des prestigieuses familles de CHATILLON, d’ENGHIEN ou de BAR, mais aussi de la famille des BAUX, établie en Italie méridionale à la suite de l’arrivée sur le trône de Naples de Charles d’Anjou, et qui s’unit à de grandes familles italiennes. On trouverait ainsi dans l’ascendance de Madeleine de LUXEMBOURG les ORSINI (qui ont donné de nombreux papes), les CELANO ou les AQUINO (la famille de Saint Thomas d’Aquin)[22]. Les autres familles de l’ascendance ont une « coloration plus nordiste ». On y retrouve entre autres les WAUDRIPONT, d’ASSIGNIES ou de TOURMIGNIES[23].
A noter tout de même que par sa mère, Antoinette de ROCOURT, le laboureur Louis BILLEAU, époux d’Isabeau, descendait pour sa part du fameux couple souche Antoine du PAYAGE et Hélène MALET de COUPIGNY bien connu des généalogistes de la région…


Charlotte Thérèse de MAREVOORDE °ca1660 +1717 (Bergues)

A Bergues, c’est Charlotte Thérèse, Dame de Wastine, Neuffief et Brunevelt, qui relie les tisserands DESACY à l’ancienne noblesse flamande au travers de son mariage avec Eusèbe de SACY/DESACY en 1692 à Bergues.
C’est un état de biens de Furnes en 1758 qui donne le nom des trois maris successifs de Charlotte Thérèse et de ses descendants, dont les enfants de son 2e époux Eusèbe, « maître d’hôtel de Monsieur le marquis de Darcourt » selon un acte du tabellion de Lille.  Puis c’est un acte tiré du relevé de Claude Cerf des Maisons mortuaires de Bergues qui précise l’ascendance de Charlotte Thérèse. Des trouvailles providentielles pour retracer la descendance de cette famille de SACY qui s’éparpille des deux côtés de la frontière franco-belge à Bergues, Hazebrouck, Estaires, Vieux Berquin, Bailleul, Kemmel, Nieuwkerke, Steenkerke et Sailly sur la Lys, notamment au sein des familles PLETS et HAVET pour cette dernière commune[24].
L’ascendance de Charlotte Thérèse nous emmène pour sa part vers Bruges et Gand avec de nombreuses familles échevinales et anoblies (van der BANCK, BAVE, de BAENST, ALLAERT) mais cette ascendance comprend également des représentants de plusieurs branches cadettes de la famille de SAINT OMER, de la famille des seigneurs de BEVEREN-DIXMUDE[25], des seigneurs de BERQUIN[26] ou de celle des van STAVELE, vicomtes de Furnes[27].

Constance du GARANNE 07/02/1608-27/01/1674 (Boulonnais)

La dernière filiation que je souhaite vous présenter nous fera voyager en France. Dans de nombreux cas, nous descendons de ressortissants d’autres régions parce que ces derniers étaient militaires et ont fait souche dans leur ville de garnison. Ce fut le cas de Bertrand du GARANNE, écuyer, seigneur de Saint Mézart et Pépieux (actuellement dans le Gers et à l’époque en Gascogne) et « capitaine d'une compagnie de gens de pieds du régiment de Picardie tenant garnison en cette ville de Boulogne ». De sa relation avec Antoinette PANNIER, il aura au moins quatre enfants, dont Constance qui épousa en premières noces et par contrat de mariage du 29/06/1623 à Boulogne sur mer Antoine MACQUINGHEN, descendant à la 2e génération de la famille d’ISQUE seigneurs de Landacre, puis en deuxièmes noces vers 1630 Antoine HENOT laboureur à Bernieulles (cette union est confirmée par une transaction entre les descendants des deux lits en 1683 à Samer). De ces deux mariages, Constance aura au moins cinq enfants et une descendance dans le Boulonnais par les couples Marguerite MACQUINGHEN et Jean VASSEUR, Jeanne MACQUINGHEN x Antoine LARTISIEN, Marguerite MACQUINGHEN x Jean DUCROCQ, Marguerite MACQUINGHEN x Antoine HENNEQUIN ou Jeanne HENOT x Pierre FORESTIER.
L’ascendance paternelle de Constance plonge pour sa part ses racines en Gascogne et la rattache aux principales familles de la région, les MONTESQUIOU, les BEON ou les ASTARAC.[28]
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Ce sommaire tour d’horizon de quelques rattachements à la noblesse dans notre région n’avait d’autre but que de divertir (sûrement) et faire rêver (pourquoi pas), mais aussi de mettre en lumière quelques aspects intéressants de la recherche généalogique. Les dix filiations passées en revue dans cet article ne forment en aucun cas un échantillon représentatif et pourtant elles présentent deux caractéristiques que l’on retrouverait à plus grande échelle : Un rattachement à des ancêtres nobles se fait le plus souvent par deux voies. Dans le premier cas un fils ou une fille naturelle d’un homme titulaire d’un titre de noblesse,  qui s’allie à un(e) conjoint(e) d’un milieu social plus traditionnel. Dans le deuxième cas le rattachement se fait au travers de mariages hypergamiques où le plus souvent l’homme épouse une femme de statut social plus élevé, ici toutes de « nobles dames ». On connaît rarement les motivations de ces alliances « déséquilibrées » même si l’on peut supposer que des questions de patrimoine entrent en ligne de compte.
Certains cas de figure non étudiés dans cet article, comme celui du censier du Terrail à Wambrechies, Salomon SIX « dit Thieffries », (en souvenir du patronyme de sa mère Valentine de THIEFFRIES) montrent combien ces alliances avec la noblesse pouvait engendrer une fierté certaine chez les familles de bourgeois ou de censiers enrichis et certainement avides de reconnaissance sociale.
Pour conclure, et pour en revenir à l’aspect généalogique pur, un travail sur des branches nobles est très différent de recherches généalogiques plus classiques car plus on recule dans le temps, plus ce travail s'apparente à une analyse et une confrontation de sources imprimées, souvent universitaires ou érudites, ou de sources archivistiques peu inventoriées et à la paléographie plus complexe (chirographes ou comptes des argentiers par exemple). Mais que les filiations soient nobles ou pas, une chose rapproche tous les types de recherche généalogique : la nécessité de toujours conserver un esprit critique aiguisé et un recul pour questionner les sources et leur fiabilité….

Je remercie chaleureusement, et par ordre alphabétique, Didier Bouquet, François Caron, Ferdinand Cortyl et François Foucart pour leurs précieux apports, remarques et corrections dans la rédaction de cet article.
Merci également à Bernard Chovaux et Michel Champagne. Sans leurs travaux respectifs, j’aurais probablement longtemps ignoré mon propre rattachement aux Bersacques/Longvilliers/Cayeu/Saint Omer...


[1] Pour un récit détaillé de cette recherche, je renvoie à l’article « Une nouvelle voie vers la famille de Bersacques et la descendance carolingienne » parue dans Nord Généalogie numéro 223 de 2012 et téléchargeable à  https://independent.academia.edu/AntoineBarbry
[2] Pour une étude de la famille de Bersacques et de sa descendance, je renvoie au superbe ouvrage de Michel Champagne et Ronald Piers de Raveschoot  Histoire généalogique de la maison de Bersacques. Publication GGRN (AM 539). 2016. Voir également pour l’ascendance LONGVILLIERS et CAYEU Michel Champagne La châtellenie de Longvilliers du 12e au 14e siècle. Ses seigneurs et leurs alliances. Publication GGRN (AM 301)
[3] Il était l’un des plus fameux bibliophiles de la Renaissance dans les Pays-Bas bourguignons et sa bibliothèque contenait de nombreux manuscrits précieux. Le seul ouvrage en français de cette bibliothèque "Le trésorier de philosophie naturelle des pierres précieuses" par Jean d'Outremeuse de Liège est connu pour inclure des chapitres interdits par l’Eglise car il traitait de sciences occultes.
[4] Quelque lignes dans son article « Bâtards de Brabant et bâtards de Bourgogne », Revue belge de philologie et d’histoire. Tome 1 fascicule 2. 1922
[5] Deux pages sur la « descendance de Raphaël, bâtard de Bourgogne » dans son ouvrage  Les Valois. Kerrebrouck. 1990
[6] In “Repertorium van de vlaamse adel”. Academia press. 2011
[7] Pour plus d’informations sur les actes du tabellion de Douai confirmant la descendance de Raphaël, on peut se référer au fil gennpdc  https://www.gennpdc.net/lesforums/index.php?showtopic=137121..  (MARCATELLIS Douaisis)
[8] Mémoire sur les comtes de Ponthieu de la deuxième race. Alcan Lévy. 1868
[9] Voir l’article de Marie-Thérèse Désert-Duribreux, « Les seigneurs de Bourgogne à Marquillies », Revue du Cercle historique de Marquillies, numéro 12, octobre 2013
[10] Plus d’informations sur l’ascendance peuvent être consultées sur le fil suivant du forum gennpdc   https://www.gennpdc.net/lesforums/index.php?showtopic=106577&mode=threaded&pid=631155    (LAURENT x LOTTE Douvrin)
[12] Plus d’information sur la descendance et l’ascendance NEDONCHEL sur le fil gennpdc  https://www.gennpdc.net/lesforums/index.php?showtopic=114032  (de NEDONCHEL Bouvignies et Coutiches)
[13] Cette famille noble de MASSIET est celle qui a été « victime » d’un fameux cas d’usurpation de titre par une famille MASSIET d’Hazebrouck, usurpation qui a donné lieu à un procès au long cours au XVIIIe siècle.
[14] Notamment le TAB 2791/58 du 16 02 1645 et les TAB 5117/14 ,TAB 5118/7 et TAB 5118/11
[15]  Dumont dans ses Fragmens généalogiques. 1776 p.70, et à sa suite Herckenrode dans son Nobiliaire des Pays-Bas et comté de Bourgogne par de Vegiano et d’Hovel, Gand, 1865, p. 500 écrivent : "Ce fragment est écrit selon les Mémoires de M. le Comte de Germicourt, en Artois :  Gilles de Cuinghem, fils bâtard de Gérard, seigneur de Hem, Fresnoy et Bassy, épousa Catherine de Picavet— Selon les Mémoires de M. le Comte de Beaufort, il était cinquième fils de Gérard, seigneur de Hem, et de Jeanne de Hingettes, disant qu'il fut seigneur de Dasveld, et que sa femme Catherine de Picavet était veuve en 1520. — Du susdit mariage naquirent : (…)Daniel de Cuinghem, seigneur de Blockhuys, qui épousa Barbe du Bois de Hoves, de laquelle il eut une fille, Claudine de Cuinghem, mariée à Guillaume le Brun(…)
De son côté, Sars de Solmont (étude de la famille Cuinghem) fait bien de Gilles un fils légitime de Gérard et Jeanne de Hingettes, tout comme Denis du Péage dans ses Notes généalogiques sur quelques familles d’Artois et de Flandre. Tome I, pages 7 à 19
[16] Ms 601. Folio 131 : Gilles de Cuinghien bastard de Hem bailly de la Srie des Obeaux (communication de François Foucart que je remercie chaleureusement)
[17] Plus d’informations sur l’excellent site internet de Ludovic Ledieu à la page https://lledieu.org/?p=adrien+francois&n=fromentin
[18] Dont l’ascendance agnatique est consultable sur le blog d’un descendant (néerlandophone) d’Anne Marie  https://genealogischeverkenningen.wordpress.com/2018/12/25/aanzet-genealogie-de-gherbode/
[19] Voir l’article  « La famille Paeldinc (Anguille) à Ypres du XIIIe au XVe siècle «  paru dans la revue Westhoek en mai 2015 et téléchargeable à  https://independent.academia.edu/AntoineBarbry
[20] Histoire générale du comté d’Harnes tome 2 page 440 (1887). Extraits des registres d’Hénin :
 Le 11/2/1631 fut baptisée par maître Pierre LESTREE par permission Marie Iolente BILLIAU fille de Loys et d’Isabeau SAINGENOIS de fornication, laquelle ont levé ledit baptisant et D. Iolente HERNU
[21] Me Henri Descharmes « Les de Raincourt ». Revue historique du plateau de Rocroi. 1934. Je n’ai pour le moment trouvé aucune autre source confirmant cette filiation mais l’on connaît par ailleurs d’autres enfants naturels à Charles de Luxembourg, évêque de Laon (communication de Christophe Yernaux)
Du Chastel de la Howardrie, par contre, ne donne pas l’origine de Madeleine de Luxembourg dans son étude de la famille de la GLISEULLE. Notices généalogiques tournaisiennes. Tome II. Page 112 consultable sur le site de Ferdinand Cortyl http://genescan.free.fr/Genealogistes/DuChastel/GeneTournais_T2/original/GeneTournaisT2_112.html
[22] J’ai beaucoup travaillé ces familles d’Italie méridionale qui font partie de l’ascendance de mes enfants et je tiens mes travaux à la disposition des personnes intéressées.
[23] L’ascendance BILLEAU-SAINT GENOIS reconstituée par Didier Bouquet est consultable sur le fil gennpdc  https://www.gennpdc.net/lesforums/index.php?showtopic=33313&st=0  (CAULLET x DUBRULLE Beuvry)
[24] Plus d’informations sur les fils gennpdc suivants  https://www.gennpdc.net/lesforums/index.php?showtopic=119732&hl=desacy (DESACY Estaires) et https://www.gennpdc.net/lesforums/index.php?showtopic=120071&hl=marivoorde (de MARIVOORDE x LOTTIN région de Bergues)
[25] Voir à leur sujet mon article « Les van Dixmude d’Ypres descendent-ils des seigneurs de Beveren ? » paru dans Nord Généalogie numéro 220 de 2011
[26] Dont la généalogie avec la descendance vers les DESACY figure sur le site http://home.scarlet.be/r.berquin/branche1.html
[27] Que j’étudierai ainsi que ses alliances dans un prochain article
[28] Pour cette filiation consulter les fils gennpdc   https://www.gennpdc.net/lesforums/index.php?showtopic=72668&mode=linear (MACQUINGHEN x MACQUINGHEN Lacres) et  https://www.gennpdc.net/lesforums/index.php?showtopic=77473&st=0&start=0  (du GARANNE d’Astarac en Boulonnais)

mercredi 20 février 2019

DEUX CAPS SYMBOLIQUES ET DEUX MISES AU POINT

J'ai passé ce matin un cap symbolique, celui des 30.000 fiches dans ma base généalogique. Pas grand chose après plus de 20 ans de recherches diront ceux qui fusionnent des fichiers à tour de bras sans vérification et sans élimination des doublons... Mais pendant toutes ces années j'ai eu une vie en dehors de la généalogie, ainsi que trois enfants en cinq ans qui ont rendu depuis la descendance bien plus active que l'ascendance... Par ailleurs, ma base est relativement "propre", toutes les fiches ont été entrées manuellement et il y reste très peu de doublons (je continue d'en éliminer tous les jours) et très peu de fiches sans lien (sauf intérêt particulier de ma part).

En parallèle, et à l'aide des statistiques d'implexe de mon logiciel BASGEN (merci Jean-Marie Bourrez!), j'avais récemment remarqué que je m'approchais également d'un autre cap, celui des 100.000 rattachements à Charlemagne pour mes enfants.

Du coup, je dois avouer que j'ai passé ces derniers jours à "faire du chiffre" et à chercher à passer ENSEMBLE ces deux caps, en délaissant les recherches sur la noblesse sicilienne sur laquelle j'étais plongé depuis plusieurs mois pour cibler prioritairement les ascendants nobles issus du quart nord-est de la France, les plus susceptibles géographiquement de posséder des ancêtres carolingiens...

Mon double objectif a été atteint... Ce matin j'ai créé la 30.000e fiche de ma base (pour info Waldrada, épouse de Lothaire II de Lotharingie et mère de Berta, épouse de Theobald d'Arles) et mes enfants descendent à ce jour 109.765 fois de Charlemagne. Ces rattachements sont très également répartis: 67 fois grâce à moi et 109.698 fois grâce à ma compagne 😊 Dans son cas l'arrière-grand père noble sicilien aide beaucoup...

Pour l'anecdote, mes enfants descendent aussi à ce jour 34.665 fois de Foulques d'Anjou, 18.054 fois d'Hugues Capet, 8.596 fois de Baudouin I de Flandre (pour lequel j'ai apporté ma modeste contribution), ou 5.374 fois de Tancrède l'ancien de Hauteville, un ancêtre de mes enfants qui m'est cher après avoir visité le château de la dynastie normande de Sicile à Palerme et avoir dévoré la série de romans historiques "Le sang des Hauteville" de Michel Subiela.
Mes enfants descendent également 770 fois du méchant croisé Renaud de Châtillon, 611 fois d'Aliénor d'Aquitaine, 402 fois de Rodrigo Diaz de Vivar, le fameux "Cid", 335 fois de Frédéric II de Souabe, empereur d'Allemagne et roi de Sicile, un autre ancêtre dont j'aimerais que mes enfants partagent le respect et la tolérance envers les religions et les cultures, ou 138 fois de Simon de Montfort l'exterminateur d'Albigeois. Par contre seulement 2 fois de Saint Louis par son fils Philippe III le Hardi qui a une descendance dans le royaume de Naples via son arrière-petit-fils Louis de Tarente...

Tout cela m'a mis un peu de baume au coeur après le bon "coup sur la cafetière" reçu il y a un mois quand mon ami Christian Settipani m'a annoncé que, sur la base de nouvelles informations dénichées par lui, il fallait oublier le rattachement de Maria Tocco à Leonardo Tocco et son épouse Miliça Brankovic (voir mon post précédent), Maria descendant plutôt de Giovanni Tocco, le frère de Leonardo. Ce changement d'aiguillage me faisait "perdre" ainsi toute la prestigieuse ascendance byzantine et arménienne de Miliça Brankovic.
Autre (petite) déception de ces dernières semaines, depuis mon bilan généalogique rédigé fin 2018,  on ne trouvait finalement pas parmi les ancêtres irlandais de l'épouse de Guillaume le Maréchal (voir également mon post précédent) les rois d'Irlande du clan O'Neill, le plus prestigieux de l'île.

La généalogie est ainsi faite de poussées d'adrénaline alternant avec des retours à des réalités moins romanesques. Pour ne parler que des branches nobles de ma compagne, sur lesquelles je travaille depuis 2008, j'ai ainsi , pendant quelques jours, quelques mois ou parfois quelques années, considéré comme sosas des personnages aussi variés que Lorenzo de Médicis "le Magnifique", Hernan Cortès, le pape Borgia, Philippe le Bel (pour lui je ne désespère pas de retrouver encore un rattachement) ou Gengis Khan, oui, oui Gengis Khan via une descendance à Byzance... Mais pour tous ceux ci j'ai dû un jour ou l'autre déchanter en découvrant des documents additionnels remettant en cause les filiations que je croyais gravées dans le marbre. Ils ont encore leurs fiches dans ma base mais ont rejoint la catégorie des personnages historiques et non la galerie des ancêtres...

A la lecture de ce post, j'imagine que certains lecteurs pourraient avoir deux types de critique: 
1) à part considérer sans esprit critique toutes les filiations folkloriques ou inventées de la noblesse, il est impossible d'arriver à autant de rattachements à Charlemagne  
2) Monsieur Barbry est un vaniteux qui ne s'intéresse qu'aux branches nobles de l'ascendance de ses enfants
Laissez moi répondre à chacune des deux en quelques mots...

Commençons par les rattachements à Charlemagne. Effectivement, plus de 100.000 remontées vers l'empereur des Francs peuvent sembler irréelles au généalogiste qui ne s'est pas trouvé d'ancêtres nobles ou à celui, comme moi, qui se rattache péniblement à quelques filiations nobles dont deux ont la chance de remonter aux familles carolingiennes (d'où mes 67 liens avec Charlemagne...). Mais dans le cas de mes enfants, il faut garder en tête qu'ils ont un arrière-arrière grand père noble sicilien. Et en Sicile comme ailleurs, les nobles se mariaient essentiellement entre eux. Imaginez du coup le nombre de sosas et de branches nobles qu'il est possible de remonter. Par ailleurs, en raison de l'histoire particulière de la Sicile, on y trouve des voies d'accès plus favorables que dans d'autres régions pour accéder à la haute noblesse carolingienne: de nombreux fils illégitimes des rois d'Aragon à toutes les générations font souche dans l'île, ainsi que de nombreux descendants de familles de croisés de la France du nord, géographiquement plus liée à la descendance de Charlemagne, ou des cadets de très bonnes familles allemandes,  italiennes, françaises ou espagnoles. Par ailleurs, l'endogamie de la haute noblesse est encore plus forte que l'endogamie de la noblesse de manière générale, notamment pour les siècles plus reculés où cette noblesse avait moins été touchée par les chocs économiques et avait donc moins besoin de nouer des alliances matrimoniales avec la riche bourgeoisie d'affaires... Quelques exemples pour illustrer concrètement ces réflexions générales: mes trois rejetons descendent ainsi par 6 enfants différents de Francesco Ventimiglia, comte de Geraci en Sicile, qui descend de Charlemagne via les Nevers-Craon, de 4 enfants différents de Louis VI roi de France, ou de 5 enfants de la carolingienne Agnès de Vermandois mariée à Bonifazio del Vasto. Baudouin IV de Hainaut est un ancêtre par 4 de ses enfants et, de son fils Baudouin V, mes enfants descendent par 4 voies différentes. Il y a aussi des cas comme la famille de Brienne dont mes enfants descendent à chaque fois de 2 ou 3 façons différentes sur 7 générations successives...
Tout cela pour dire que sur la quarantaine de générations séparant mes enfants de Charlemagne, les implexes s'ajoutant les uns aux autres à toutes les générations, le compteur peut vite monter...

La vanité des ancêtres nobles ensuite. Tout d'abord que me jette la première pierre le/la généalogiste qui n'a jamais frétillé à la perspective d'un(e) ancêtre noble qui lui permette une plongée dans le passé, la petite histoire et parfois la grande Histoire. Je pense que ce frétillement est une réaction totalement naturelle, après tout l'objectif premier du/de la généalogiste est de faire remonter son arbre le plus loin possible, et l'avantage (et donc l'attrait) des ancêtres nobles c'est qu'ils permettent généralement des remontées plus anciennes (et plus fournies en actes divers) que pour la très grande majorité de nos ancêtres habituels.
Ensuite, en beaucoup de généalogistes sommeille l'amateur/l'amatrice d'histoire. Et se retrouver doté d'un ancêtre dont on connaît l'existence et les soubresauts de vie au travers des cours d'histoire ou de ses lectures crée un lien "personnel" et quasi charnel qui aiguise la curiosité. Pour moi en tout cas, je ne lis plus de la même manière "Les rois maudits" depuis que je sais que Robert d'Artois est un ancêtre, je ne regarde plus de la même manière le film "Kingdom of Heaven" en sachant que Balian d'Ibelin et Renaud de Châtillon sont des sosas... Et cela n'a rien à voir avec le prestige éventuel de l'ancêtre en question, débroussailler une obscure lignée de petite noblesse et mettre au jour une personnalité injustement oubliée par la grande Histoire me procure très souvent bien plus de satisfactions.
D'autre part, après 20 ans de généalogie (dont 17 loin des sources primaires) il faut bien dire que trouver un ancêtre direct qui ne soit pas noble est devenu pour moi de plus en plus difficile. J'ai, pour la majorité des branches, atteint la limite de ce qu'il était possible de tirer des sources traditionnelles (registres paroissiaux et actes notariés principalement). Bien sûr, il reste un certain nombre d'autres types d'actes à consulter mais, outre que je suis loin de ces sources et que celles-ci font très rarement l'objet de dépouillements et de relevés, ce travail relève de plus en plus de l'activité du chercheur d'or qui brasse des kilos de sable à la recherche des paillettes brillantes. Or, dans cette période actuelle de ma vie, le temps libre est une ressource rare et chère... Il est donc plus profitable pour moi d'utiliser cette ressource précieuse à faire des recherches sur des filiations nobles où les sources d'information sont multiples et où il me reste encore beaucoup à faire. Mon activité généalogique est alors très différente car elle s'apparente plus à une analyse et une confrontation de sources imprimées, souvent universitaires. Mais la dimension "chercheur d'or" est toujours présente, car il faut en effet de solides capacités pour séparer le bon grain de l'ivraie lorsque l'on navigue parmi les filiations nobles, notamment pour faire le tri dans que l'on trouve à ce sujet sur internet...
Enfin, et ce n'est pas le moindre des arguments, les pérégrinations à travers la grande toile de la noblesse européenne (car c'est l'avantage de la Sicile de mener à toutes les noblesses européennes) satisfont mon goût d'exotisme qui restait frustré de l'homogénéité géographique de mes propres ancêtres. Rien ne peut me faire plus plaisir que de compter parmi les sosas de mes enfants Violante Gonzalez dont l'Inquisition déterre les ossements en 1491, 25 ans après sa mort, afin de les brûler pour présomption de cryptojudaïsme, Juan Sanchez, cerveau du complot qui assassine l'inquisiteur de Saragosse, brûlé en effigie car ayant fui vers la Sicile où il créera une des premières banques de l'île, Abu Zayd Abd Ar-Rahman, dernier roi almohade de Valence avant la conversion forcée de sa famille, la famille Laskaris de Byzance dont les ancêtres sont kurdes, Sheiman, khan des Khumans, tribu des steppes, dont la fille épouse Etienne V roi de Hongrie, ou Gabriel de Melitene, gouverneur arménien dans l'empire byzantin...

Bref, tous les types de recherche me vont et me procurent du plaisir, mais en ce moment présent, il est plus aisé pour moi de faire avancer des filiations nobles...