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FRANCAIS
L'histoire en tant que science et champ d'études est en pleine mutation. Grâce aux apports constants de l'archéologie, de la génétique, ainsi qu'à la confrontation avec d'autres sciences humaines (anthropologie, sciences sociales) ou "sciences dures" (démographie, biologie, statistiques) ce que l'on pensait acquis sur l'histoire et la généalogie des peuples est constamment enrichi et remis en question. Ce blog a pour objet d'informer sur certaines découvertes qui modifient (ou pourraient modifier) nos connaissances sur nos ancêtres, des premiers homo sapiens jusqu'à nos grands-pères...
ENGLISH
History as a science and a field of study is undergoing significant changes. Thanks to the contribution of archaeology, genetics, as well as exchanges with other human sciences (anthropology, social sciences) or "hard sciences" (demography, biology, statistics), historical and genealogical facts that were once considered to be established or "written in stone" are now being questioned, revised and enriched. The aim of this blog is to inform and discuss current discoveries that modify (or could modify) what we know about our ancestors, from the first homo sapiens to our grandfathers...
mardi 9 juin 2015
La génomique réécrit l’histoire
ARTICLE PARU DANS LES PAGES "SCIENCE ET TECHNO" DU JOURNAL "LE MONDE"
Par Catherine Mary
Après la chute de l’Empire romain d’Occident, au Ve siècle,
les Angles, les Jules et les Saxons, peuples venus de régions situées
sur les territoires actuels de l’Allemagne, de la Norvège et du
Danemark, envahissent les îles britanniques et y fondent plusieurs
royaumes indépendants. Les Anglo-Saxons ont-ils remplacé les populations
déjà installées dans les îles britanniques ou s’y sont-ils mêlés ?
Cette controverse qui, depuis des siècles, partage les historiens, vient
de connaître un rebondissement inattendu, avec les résultats d’une
étude génétique publiée le 18 mars dans la revue Nature (NDLR voir aussi l'article du "Guardian" à ce sujet publié sur ce blog en avril) « Cette étude montre que les habitants du Royaume-Uni partagent
un fonds génétique auquel se sont intégrées des variations signant leurs
diverses origines, notamment anglo-saxonnes. Notre étude démontre sans
ambiguïté que les Anglo-Saxons se sont mêlés aux populations
existantes », s’enthousiasme Peter Donnelly du Wellcome Trust Centre for Human Genetics à Oxford, qui l’a conduite. « Elle
révèle aussi l’existence d’une vague d’immigration, jusqu’alors
inconnue des historiens et des archéologues, de populations venues de
l’actuel territoire français avant l’arrivée des Anglo-Saxons. Cela va
permettre aux historiens de chercher dans cette direction », poursuit-il avec assurance. « Ce
que montre cette étude très raffinée, ce sont les différents événements
historiques qui ont fait ce qu’est aujourd’hui le peuple des
“Royaume-Uniens” », renchérit Lluis Quintana-Murci, de l’Institut Pasteur, qui étudie la génétique des populations depuis une vingtaine d’années.
Le profil génétique de 2 000 Britanniques
Initialement
conçue pour établir des corrélations entre variations génétiques et
susceptibilité aux maladies, l’étude financée par le Wellcome Trust,
une puissante fondation impliquée dans la recherche médicale au
Royaume-Uni, a été menée sur plus de 2 000 personnes connaissant leur
région d’origine. Pour chacune d’entre elles, 500 000 sites répartis sur
l’ensemble de leurs génomes et connus pour renfermer des signatures
génétiques de l’origine géographique, ont été séquencés. Une fois
décryptées, ces signatures ont ensuite été analysées grâce à un modèle
informatique, permettant de les comparer à celles contenues dans une
base de données et d’établir le profil génétique de chacun des 2 000
participants de l’étude. Les Britanniques ont ainsi pu être classés en
17 groupes, reflétant le brassage des populations dont ils sont issus.
Replacés sur la carte du Royaume-Uni, ces profils ont permis d’établir
une cartographie de leurs origines, présentant de fortes similarités
avec celles des royaumes en place en l’an 600, après les invasions
anglo-saxonnes.
Qu’elles concernent l’histoire de l’esclavage, des
flux migratoires, ou encore celle plus ancienne de l’homme moderne, les
études génétiques sur les origines prolifèrent, et chaque semaine, la
littérature scientifique livre sa récolte de découvertes venant modifier
ou enrichir les récits déjà existants sur l’histoire des peuples et des
nations.
Comme le Wellcome Trust à l’échelle du Royaume-Uni, la
société deCODE Genetics en Islande est à l’origine d’une étude d’ampleur
nationale sur l’origine des Islandais et sur leurs prédispositions
génétiques aux maladies, dont les résultats ont fait l’objet d’une série
d’articles dans la revue Nature Genetics, en mars. Le
consortium Genographic, lancé en 2005 par la National Geographic
Society, ambitionne quant à lui, de retracer les premiers flux
migratoires de l’humanité en étudiant les peuples indigènes, installés
depuis plusieurs siècles dans différentes régions du globe. Des dizaines
d’études financées par le consortium Genographic ont ainsi étépubliées dans des prestigieuses revues scientifiques comme Nature et Science ou encore PLoS One.
L’isolat linguistique formé par le peuple basque résulte d’une origine différente de celle dite indo-européenne
Une étude publiée en 2012 dans l’American Journal of Human Genetics
par l’équipe de Lluis Quintana-Murci et soutenue par Genographic
confirme ainsi que l’isolat linguistique formé par le peuple basque
résulte d’une origine différente de celle dite indo-européenne, dont
sont issus les autres Européens. Ils descendraient, selon cette étude,
des premiers occupants de la région cantabrique, au mésolithique ou au
paléolithique. Une autre étude menée par son équipe, et publiée en 2004
dans la même revue, sur l’origine des différents groupes ethniques
composant le Pakistan, s’est portée sur le trafic d’esclaves à travers
l’océan Indien. L’analyse de l’ADN mitochondrial transmis par la lignée
maternelle contient des signatures attestant une origine africaine, dont
est dépourvu le chromosome Y, transmis par la lignée paternelle. « Cela
montre que ce sont les femmes qui ont été exportées comme esclaves
au-delà de l’océan Indien, ce qui suggère qu’elles étaient utilisées
comme concubines, ou comme domestiques », affirme Lluis Quintana-Murci.
Enfin, selon une autre étude impliquant également son équipe et publiée dans la revue Nature Communications
en 2014, les peuples de chasseurs-cueilleurs auraient connu une
expansion démographique avant l’arrivée de l’agriculture en Afrique
saharienne il y a environ cinq mille ans, ébranlant ainsi le dogme selon
lequel les explosions démographiques sont la conséquence de
l’apparition de l’agriculture. L’étude, menée par une équipe
pluridisciplinaire de généticiens, de linguistes et d’anthropologues,
sur les relations entre les peuples bantous et les peuples pygmées du
Gabon et du Cameroun a par ailleurs permis de faire concorder les
hypothèses formulées par les généticiens avec celles formulées par les
linguistes sur la fragmentation de ces langues. « C’est en collaborant ensemble qu’on essaie de s’approcher de ce qu’a pu être la réelle Histoire avec majuscule », commente prudemment Lluis Quitana-Murci, pour justifier l’intérêt d’une telle approche. « Ce
qui m’intéresse dans ce genre d’études, c’est de comprendre une
situation dans le détail, en travaillant aussi avec des musicologues et
des linguistes. Si on veut comprendre la diversité génétique de l’homme,
il faut bien aussi comprendre sa culture », renchérit Evelyne Heyer, du Museum national d’histoire naturelle de Paris, qui a également contribué à l’étude.
« Une avalanche de données nouvelles qu’il faut intégrer tout en gardant une distance critique par rapport à la génétique »
Cette
approche est pourtant atypique chez les généticiens des populations,
souvent critiqués pour leur croyance en leurs résultats et perçus comme
arrogants par les spécialistes d’autres disciplines. « Les
généticiens tiennent le haut du pavé. Ils se croient infaillibles et
parfois ils passent sous silence, par ignorance mais aussi quelquefois
délibérément, des données qui viennent d’autres disciplines »,
commente ainsi le paléontologue Jean-Jacques Hublin, du Max Planck
Institute à Leipzig (Allemagne), spécialiste de l’origine et de
l’évolution de l’homme de Néandertal, qui travaille étroitement avec des
généticiens. « Je suis quand même étonné que les scénarios qui sont lancés dans Science ou Nature sont parfois un peu incohérents avec ce que l’on connaît par d’autres sources. Mais ça a la force de la science dure », poursuit-il,
citant un scénario sur les vagues de peuplement par les Indos-Européens
récemment émis par l’équipe de David Reich (Harvard Medical School), en
dépit de la pauvreté de connaissances pouvant l’étayer. « Il y a
une avalanche de données nouvelles qu’il faut intégrer tout en gardant
une distance critique par rapport à la génétique et recouper avec les
données de l’archéologie, de la paléontologie et de la linguistique », insiste t-il.
La
controverse autour du gène EPAS1, impliqué dans le transport de
l’oxygène et dont les variations interviennent dans l’adaptation à
l’altitude, rend bien compte des difficultés rencontrées, lorsqu’il
s’agit de faire concorder les données issues de sources variées pour
comprendre l’histoire d’un peuple. Un variant de ce gène impliqué dans
l’adaptation à l’altitude a été retrouvé chez 87 % des Tibétains, contre
seulement 9 % des Hans, dont descendent les Chinois, selon une étude
publiée dans la revue Science en 2010. Aidé d’un modèle
mathématique, les auteurs de ces travaux ont daté la divergence entre
les deux peuples à 2 750 ans avant J.-C. Or les études archéologiques
font remonter à 5 000 ans avant J.-C. l’apparition des premiers villages
néolithiques sur le plateau du Tibet. Révisant leur modèle, les auteurs
de l’étude génétique ont finalement trouvé une date plus concordante
avec les résultats de l’archéologie.
Incertitudes des modèles mathématiques
Etaient
en cause les incertitudes des modèles mathématiques utilisés par les
généticiens, le nombre restreint de personnes impliquées dans l’étude et
le manque de fiabilité des méthodes de datation. L’horloge moléculaire
sur laquelle s’appuient les généticiens se révèle en effet très
approximative. Elle prend en compte un taux estimé de mutations au sein
du génome à chaque génération et la durée moyenne d’une génération
humaine. Mais une étude publiée en 2012 et menée sur un père, une mère
et leur enfant a montré que ces mutations s’accumulaient à un rythme
beaucoup plus lent que ce que les généticiens avaient jusqu’alors
estimé. Cela a conduit à la réévaluation de la date de divergence du
gène EPAS1.
Dernier rebondissement, une série d’études génétiques plus récentes publiées dans la revue Molecular Biology and Evolution, etportant
sur le génome de 6 109 Tibétains répartis dans 41 villages, suggère que
cette ethnie aurait évolué à partir d’un peuple nomade, il y a 30 000 à
20 000 ans. Enfin, les archéologues s’accordent aussi sur
l’existence d’un « corridor de l’Asie centrale », dont le Tibet serait
au centre. Préfiguration de la Route de la soie, il aurait favorisé le
brassage des populations.
Autre controverse sur fond idéologique, celle racontée par le journaliste Sylvain Cypel dans le numéro 29 de la revue XXI, sur l’origine des juifs. Dans un livre sévèrement critiqué par le généticien juif Richard Lewontin (Harvard) et intitulé Legacy : A Genetic History of Jewish People (Oxford
University Press, 2012), le généticien Harry Oyster, du Albert Einstein
College de l’université Yeshiva (New York), défend l’existence de
signatures génétiques commune à l’ensemble des juifs, qu’ils soient
ashkénazes, moyen-orientaux ou d’Afrique du Nord. Ces données génétiques
démontreraient selon lui que les juifs descendent du peuple hébreu des
récits bibliques et expliqueraient leur supériorité intellectuelle.
Pourtant, l’analyse des mêmes régions du génome avec d’autres modèles
informatiques, par d’autres généticiens, aboutit à des résultats très
différents. Ainsi, selon le généticien israélien Eran Elhaïk, de
l’université de Sheffield (Royaume-Uni), les juifs ashkénazes seraient
massivement originaires d’Asie caucasienne, et non du Proche-Orient.
Le refus des Amérindiens
De
leur côté, les Amérindiens refusent de confier aveuglément leur ADN aux
généticiens. Pour eux, l’histoire est plus inscrite dans les mythes que
dans le génome, et l’arrivée, dans les années 1990, de généticiens
cherchant à comprendre l’histoire du peuplement des Etats-Unis, n’a pas
été sans heurts. D’autant que pour les Amérindiens, le souvenir des
études scientifiques menées sur leurs crânes pour justifier leur
infériorité et permettre aux colons de s’emparer de leurs terres, reste
encore très vif. « Quand j’ai assisté aux premières études, j’ai
remarqué que les généticiens employaient le même langage que les anciens
colons lorsqu’ils souhaitaient civiliser les populations existantes en
les christianisant », se rappelle ainsi l’anthropologue Kim Tallbear de l’université du Texas et auteure de Native American DNA : Tribal Belonging and the False Promise of Genetic Science (University of Minnesota Press, 2013), un livre dénonçant cette approche colonialiste. « Ils voyaient notre sang comme ils voyaient nos terres »,
poursuit cette Amérindienne arapaho. Depuis, les généticiens ont appris
à collaborer avec les tribus, dans le respect de leur souveraineté.
Celles-ci ont désormais un droit de regard sur les publications
scientifiques dont elles font l’objet. Au Canada, une loi intitulée
« DNA on loan » stipule l’appartenance de l’ADN aux tribus.
S’ils
sont parfois conscients de la portée de leurs études, les généticiens
semblent néanmoins embarrassés par les questions qu’elles soulèvent. « Lorsque
je mène des études auprès des peuples indigènes, je m’adresse toujours à
leurs dirigeants, et le temps de négociation est souvent très long.
Mais ils marquent souvent leur reconnaissance en nous disant que grâce à
nos études leur village figurera sur la carte du monde », raconte Evelyne Heyer. « Je
pense qu’il est important de dire qu’il existe des différences, afin de
valoriser la diversité. Ce n’est qu’en partageant nos différences qu’on
peut mettre un petit grain de sable pour accepter la différence »,
insiste quant à lui, Lluis Quintana-Murci, qui se dit investi d’un rôle
pédagogique, tout en réfutant la portée politique de ses propos.
Jean-Jacques Hublin, en anthropologue, pose le problème sans détour : « Avec
les études des origines, le problème, c’est le storytelling. Le mythe
scientiste a remplacé les mythologies traditionnelles dans les sociétés
industrialisées, en s’appuyant sur des données scientifiques, mais avec
un fond mythologique », conclut-il.
La généalogie génétique et la génétique des populations a le potentiel de révolutionner non seulement la généalogie mais aussi l'histoire. Elle fait grincer les dents de nombreux historiens car irréfutable. J'ai été très étonné de leur réaction quand je leur parle de cet outil. Malheureusement en France, peu de gens y ont recours, par méconnaissance, méfiance ou peur (par rapport au test de paternité interdit). C'est bien dommage. Quant aux liens de la population britannique avec la France et surtout le Nord de la France; ce n'est pas étonnant. l'histoire nous indique que les Populations Belges (historiques) ont à maintes reprises traversé la mer du Nord; les noms de villages à consonnance Saxone dans la Nord et le Pas de Calais sont légions (-ingham vs -onghem, -thun, -gatte, etc...) et les rares personnes qui ont fait une analyse de leur ADN confrmeront le pourcentage important d'ADN "Britannique" (ou l'inverse). J'essaie d'informer au travers de rencontres, à disposition pour une conférence sur le sujet.
La généalogie génétique et la génétique des populations a le potentiel de révolutionner non seulement la généalogie mais aussi l'histoire. Elle fait grincer les dents de nombreux historiens car irréfutable. J'ai été très étonné de leur réaction quand je leur parle de cet outil. Malheureusement en France, peu de gens y ont recours, par méconnaissance, méfiance ou peur (par rapport au test de paternité interdit). C'est bien dommage.
RépondreSupprimerQuant aux liens de la population britannique avec la France et surtout le Nord de la France; ce n'est pas étonnant. l'histoire nous indique que les Populations Belges (historiques) ont à maintes reprises traversé la mer du Nord; les noms de villages à consonnance Saxone dans la Nord et le Pas de Calais sont légions (-ingham vs -onghem, -thun, -gatte, etc...) et les rares personnes qui ont fait une analyse de leur ADN confrmeront le pourcentage important d'ADN "Britannique" (ou l'inverse).
J'essaie d'informer au travers de rencontres, à disposition pour une conférence sur le sujet.