Intéressé(e) par l'histoire des peuples et celle de nos ancêtres?
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Interested in the history of peoples and of our ancestors?
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FRANCAIS
L'histoire en tant que science et champ d'études est en pleine mutation. Grâce aux apports constants de l'archéologie, de la génétique, ainsi qu'à la confrontation avec d'autres sciences humaines (anthropologie, sciences sociales) ou "sciences dures" (démographie, biologie, statistiques) ce que l'on pensait acquis sur l'histoire et la généalogie des peuples est constamment enrichi et remis en question. Ce blog a pour objet d'informer sur certaines découvertes qui modifient (ou pourraient modifier) nos connaissances sur nos ancêtres, des premiers homo sapiens jusqu'à nos grands-pères...
ENGLISH
History as a science and a field of study is undergoing significant changes. Thanks to the contribution of archaeology, genetics, as well as exchanges with other human sciences (anthropology, social sciences) or "hard sciences" (demography, biology, statistics), historical and genealogical facts that were once considered to be established or "written in stone" are now being questioned, revised and enriched. The aim of this blog is to inform and discuss current discoveries that modify (or could modify) what we know about our ancestors, from the first homo sapiens to our grandfathers...
Pas
une semaine ne se passe ou presque sans qu’un article scientifique
fasse référence aux travaux de Svante Paabo. En 2010, l’Institut
Max-Planck d’anthropologie évolutive, qu’il dirige à Leipzig
(Allemagne), associé à la société américaine 454 Life Sciences,
dévoilait le génome complet d’un homme de Neandertal. Le monde stupéfait
découvrait que les néandertaliens et Homo sapiens s’étaient
unis il y a plus de 50 000 ans, et que l’humanité portait encore les
traces de ce métissage dans son ADN (entre 2 % et 4 %). Cette découverte
contredisait des travaux antérieurs de Svante Paabo, mais couronnait
un quart de siècle d’efforts patients pour retrouver de l’ADN ancien et
le faire parler. Depuis, la compréhension de notre passé et des
migrations humaines ne cesse de s’affiner grâce à ces outils qui
bouleversent la paléoanthropologie. « Il a vraiment révolutionné notre discipline ! », résume son confrère Jean-Jacques Hublin, qui l’a rejoint à Leipzig en 2004.
image:
http://s2.lemde.fr/image/2016/01/25/534x0/4853285_6_582c_svante-paabo-dans-son-bureau-de-l-institut_9a000284c72a8965ba2a6b28df642de8.jpg
Svante Paabo, dans son livre Neandertal. A la recherche des génomes perdus,
paru en octobre 2015 (Les liens qui libèrent), raconte cette aventure
scientifique et humaine dans un style qui rappelle parfois celui de La Double Hélice
(Robert Laffont, 2003), autobiographie de James Watson, malicieux
codécouvreur de la structure de l’ADN. Quand il évoque son parcours,
ses détours et contradictions, la piètre qualité de certaines études, sa
paranoïa face à la contamination des échantillons ou encore la
glorieuse incertitude de la compétition scientifique, souvent l’œil bleu
du Suédois pétille.
Fasciné par le monde antique
Pour Svante Paabo, tout a peut-être commencé lors d’un séjour en
Egypte avec sa mère, chimiste estonienne, à l’âge de 13 ans. Fasciné par
le monde antique et les momies, il s’oriente pourtant vers la médecine
quand il constate que l’égyptologie est trop poussiéreuse pour son
tempérament fonceur. Mais les études médicales puis les recherches sur
les virus ne seront qu’un détour pour mieux revenir à ses premières
amours : étudiant à Uppsala, il profite du four de son laboratoire pour
faire lentement racornir un foie de veau, succédané odorant de momie. Il
montre qu’il est possible d’en tirer de l’ADN. Le voilà lancé sur les
traces de vraies momies dans les musées poussiéreux de Berlin-Est, mais
aussi de bestioles de plus en plus anciennes – quagga (un zèbre
disparu), rat-kangourou, loup marsupial, chevaux, paresseux, mammouths –
dont il parviendra au fil de ses affectations aux Etats-Unis puis en
Allemagne à récupérer toujours plus d’ADN. Jusqu’au triomphe du génome
néandertalien.
Pourquoi ce livre ? « Je l’ai écrit pour mes enfants »,
répond-il. Et pas pour les endormir avec le récit soporifique de
patientes recherches. L’ouvrage contient aussi des notations beaucoup
plus personnelles, qu’on ne rencontre guère dans ce type de littérature.
Il ne fait pas mystère de sa bisexualité, évoque une forme de ménage à
trois avec une franchise nordique (certains diraient une impudeur) qui a
parfois pu choquer ses étudiants anglo-saxons. Il revient sur son passé
d’enfant illégitime : son père, Sune Bergstrom (1916-2004), Prix Nobel
de médecine (1982), menait une double vie. Mais il lui doit aussi deux
fois la vie, la seconde lorsque, hospitalisé pour une embolie
pulmonaire, il a été sauvé par de l’héparine, une molécule purifiée par
son géniteur en 1943.
Rien ne l’obligeait à se dévoiler autant. « C’est important que les gens comprennent que la science est faite par des gens ordinaires. Sinon, c’est un mythe »,
lâche-t-il. C’est sans doute aussi par souci de démystification qu’il
ne voile rien des aléas des collaborations, de la vie d’équipe, qu’il
brosse des portraits parfois piquants de ses collègues et étudiants,
qu’il souligne l’intense compétition internationale structurant la
recherche, et qu’il ne cache pas non plus les conflits qu’elle peut
engendrer. Son récit le montre également en quasi-capitaine d’industrie
opportuniste, passant d’un partenariat avec une équipe industrielle à un
autre pour profiter des meilleurs outils de séquençage génétique du
moment. Ou tentant d’attirer les meilleurs chercheurs dans l’institut
que la puissante société Max-Planck a taillé à sa mesure.
L’avènement du profilage génétique
Aujourd’hui, avec l’avènement du profilage génétique tel qu’il est
proposé par des sociétés comme 23andMe, il devient possible de savoir
quelle part de néandertalien se retrouve en chacun de nous. « Je voulais bloquer cette utilisation, la breveter », souligne-t-il. Mais les « libertaires » de son laboratoire s’y sont opposés. «
On en plaisante encore, mais je trouve dommage que des travaux financés
par le contribuable allemand génèrent du profit en Californie. »
Plus profondément, il se dit « surpris que les gens aient accepté si facilement l’idée que nous soyons reliés aux néandertaliens ».
Il avait craint que ses travaux ne prennent une tournure politique, ne
fassent l’objet de récupérations racistes, mais la figure prétendument
bornée du néandertalien, entretenue depuis sa découverte en 1856, a sans
doute joué : « Ces métissages n’impliquaient pas de supériorité des Européens. »
Après toutes ces années de collaboration fructueuse, le monde des paléontologues le laisse perplexe. «
On dépend bien sûr d’eux pour connaître le contexte du génome. Mais
cette discipline a un problème, car les données sont floues. Elle ne
parvient pas à livrer des réponses que tout le monde accepte. » Les
généticiens lui semblent plus prudents dans leurs affirmations, car ils
savent que dans quelques années ils auront une réponse claire,
indiscutable. C’est pour cela qu’il s’est finalement gardé de donner un
nom latin d’espèce au premier individu de la grotte de Denisova, dans
l’Altaï sibérien, entièrement séquencé à partir d’un minuscule fragment
d’os d’auriculaire, une fillette « denisovienne » clairement différente
de ses contemporains sapiens et néandertaliens. « Mais les généticiens aussi se fourvoient, et c’est une de ses qualités que de savoir le reconnaître », souligne Jean-Jacques Hublin, qui fait, lui, partie de la confrérie des chercheurs d’os.
Remonter plus encore dans le temps
Tenter de recréer l’homme de Neandertal, comme le généticien
américain George Church l’a proposé, n’est pas une bonne idée, estime
Svante Paabo. « J’y ai répondu dans le New York Times, rappelle-t-il. Techniquement, ce n’est guère envisageable. Et éthiquement, bien sûr, on ne pourrait pas créer un être humain par curiosité. » Refaire un mammouth ne l’enthousiasme pas plus : « Aboutir à un éléphant avec quelques poils… »
L’ambre, de son côté, est certes un réservoir d’insectes, mais ne
pensez pas y trouver de l’ADN pour faire renaître des dinosaures, comme
dans Jurassic Park : « C’est sans espoir. »
Quels rêves scientifiques caresse-t-il donc ? Remonter plus encore
dans le temps, extraire l’ADN de fossiles toujours plus vieux. Chez ceux
d’Atapuerca (430 000 ans), en Espagne, « on commence à récupérer de l’ADN nucléaire ! » Car si les techniques qu’il a mises au point se sont démocratisées «
son groupe reste à l’avant garde pour récupérer l’ADN le plus ancien,
le plus dégradé, et va continuer à faire parler de lui », témoigne
David Reich (Harvard), qui a cosigné avec Paabo nombre d’articles mais
poursuit aussi ses propres projets dans ce domaine désormais foisonnant.
Ce qui enthousiasme le plus Svante Paabo, c’est de chercher ce qui fait d’Homo sapiens
ce primate si singulier, à la différence du néandertalien, qui, certes,
maîtrisait le feu et la parole, mais n’a pas conquis le monde. « J’imagine que quelque chose dans notre combinaison génétique a rendu cela possible »,
dit-il. Mais quoi ? Ses équipes vont passer par la souris pour tenter
de le découvrir, en observant les effets de cellules souches humaines
sur son comportement, la croissance de ses neurones et de leurs
connexions. « C’est un projet pour les deux années à venir »,
dit-il. Son institut a embauché des spécialistes à cette fin. La machine
à découvrir de Leipzig va continuer de tourner à plein régime, le
capitaine, à 60 ans, toujours aux commandes.
Cette détermination, cette capacité à suivre son idée jusqu’au bout, Jean-Jacques Hublin, qui partage avec lui un passé « compliqué », croit en connaître la source. «
Les gens qui s’intéressent aux origines ont souvent des problèmes
d’origine eux aussi. Ce n’est pas un hasard s’il s’intéresse à l’ADN.
C’est la sublimation d’un questionnement plus personnel. »
article published in the "Guardian" January 14th 2016
Sulawesi find: 118,000-year-old stone tools point to 'archaic group of humans'
Discovery of 311 implements on Indonesian island suggest modern
humans settling there 60,000 years ago would have met an ‘isolated human
lineage’
A model of a skull from a species of Hobbit-sized humans called Homo floresiensis,
which was found in a cave on the Indonesian island of Flores.
Scientists now believe they may have had relatives on other islands.
Photograph: Stephen Hird/Reuters/Corbis
The diminutive prehistoric human species dubbed the “Hobbit” that inhabited the Indonesian island of Flores long before the arrival of Homo sapiens apparently had company on other islands.
Stone tools that are at least 118,000 years old have been discovered
on the island of Sulawesi, indicating a human presence, scientists said
on Wednesday. No fossils of these individuals were found in conjunction
with the tools at the site called Talepu, leaving the toolmakers’
identity a mystery.
“We now have direct evidence that when modern humans arrived on
Sulawesi, supposedly between 60,000 and 50,000 years ago and aided by
watercraft, they must have encountered an archaic group of humans that
was already present on the island long before,” said archaeologist
Gerrit van den Bergh from the University of Wollongong in Australia.
“Like on Flores, where Homo floresiensis evolved under
isolated conditions over a period of almost 1m years, Sulawesi could
also have harboured an isolated human lineage. And the search for fossil
remains of the Talepu toolmaker is now open,” van den Bergh said.
The researchers described 311 stone tools, most made of a very hard
limestone. Archaeologist Adam Brumm of Australia’s Griffith University
said they were produced by humans striking one stone with another,
fashioning smaller pieces with knife-like sharpness.
“They mostly comprise simple sharp-edged flakes of stone that no
doubt would have been useful for basic tasks like cutting up meat,
shaping wooden implements, and so on,” Brumm said.
Found nearby were fossils of an extinct elephant relative and extinct giant pig with warthog-like tusks.
The 2004 announcement of the discovery in a Flores cave of fossils of Homo floresiensis – a species about 1.1m (3ft 6in) tall that made tools and hunted little elephants – jolted the scientific community.
Scientists have been eager to unravel the region’s history of human habitation. Sulawesi may have served as a stepping stone for the first people to reach Australia roughly 50,000 years ago.
LE MONDE SCIENCE ET TECHNO
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Par Vahé Ter Minassian
Nous sommes le 29 juin 1791. Le vent de la Révolution souffle en
tempête sur la France. De la chute de l’Ancien Régime va naître dans un
an la République. Aux Tuileries, Louis XVI et sa famille attendent avec
inquiétude de connaître leur avenir après l’épisode tragi-comique de la
fuite à Varennes, un village de Lorraine où le roi, déguisé en
bourgeois, a été arrêté puis ramené de force dans la capitale. L’accueil
du souverain à Paris, le 24 au soir, ne laisse rien présager de bon :
son retour s’est fait sous le regard d’une foule morne et silencieuse
sur ordre, entre deux haies de soldats tenant leurs fusils renversés,
comme aux enterrements… Tandis qu’à l’Assemblée constituante, les
députés sont dépassés par la montée des violences populaires, ce même
29 juin, Marie-Antoinette envoie message sur message à son ami le plus
sûr. Le comte Axel de Fersen, un gentilhomme suédois dont la tête a été
mise à prix car il a aidé la famille royale à échapper à la vigilance
des gardes nationaux de La Fayette. « Je puis vous dire que je vous aime », lui écrira-t-elle bientôt…
Découverts en 1907 dans un billet crypté, dont une copie manuscrite,
déchiffrée mais non datée, est conservée aux Archives nationales, ces
quelques mots jetés furtivement sur le papier ont fait couler beaucoup
d’encre. Confirment-ils que la reine de France, Marie-Antoinette, ait
entretenu une relation sentimentale avec un étranger, de surcroît
adversaire déclaré de la Révolution ? Et si oui, de quoi parle-t-on ?
D’un amour platonique, ou physiquement consommé, comme l’a affirmé plus
tard, en termes grossiers, Napoléon Bonaparte, devenu empereur ? Deux
cent vingt-deux ans après que le couperet de la guillotine a emporté
Marie-Antoinette et ses secrets, la technologie vient peut-être de
fournir aux historiens le moyen de retourner les rares pièces encore
inutilisées de ce puzzle royal.
Des procédés d’imagerie innovants
Dans le cadre d’un projet financé par la Fondation des sciences du
patrimoine et soutenu par les Archives nationales, une équipe du Centre
de recherche sur la conservation des collections (CRCC,
CNRS-MNHN-ministère de la culture) et de l’université de Cergy-Pontoise a
analysé, par des procédés d’imagerie innovants, les passages caviardés
de la correspondance entre Marie-Antoinette et Axel de Fersen. Le
postdoctorant Florian Kergoulay et ses collègues affirment avoir réussi
là où tant d’autres avaient échoué : lire le texte caché sous les
boucles, jambes et pointes qu’une main anonyme a tracées, à une certaine
époque, sur le papier, dans le but probable de préserver l’honneur de
la reine après sa mort.
L’affaire Fersen reste l’un des mystères de la Révolution.
Jusqu’en 1877, rares étaient ceux qui soupçonnaient le rôle joué par ce
noble suédois dans l’histoire de France. Mais, cette année-là, son
petit-neveu, le baron Rudolf Maurits von Klinckowström, rend publique
pour la première fois une partie de sa correspondance avec
Marie-Antoinette. Au total, une soixantaine de lettres, à la lecture
desquelles les historiens découvrent l’importance de ce personnage.
Outre qu’il a organisé la fuite à Varennes, Axel de Fersen a joué le
rôle de représentant officieux de la reine auprès des cours d’Europe,
entre juin 1791 et août 1792, lorsque, la famille royale étant en
résidence surveillée aux Tuileries, la Législative déclare la guerre à
l’Autriche – et proclame bientôt que la « patrie [est] en danger ».
Mêlé aux manœuvres diplomatiques compliquées de la souveraine, qui joue
double jeu, et dans lesquelles il finit par s’emmêler, cet homme hardi,
monarchiste convaincu mais piètre politique, réussit, le
13 février 1792, un coup formidable. Rencontrer secrètement le couple
royal, sévèrement gardé aux Tuileries et… passer la nuit au palais.
Cette même nuit qui excita tant l’imagination des historiens. L’année
suivante, il est de ceux qui tentent de faire évader du Temple
Marie-Antoinette et sa famille, après l’exécution de Louis XVI.
Problème : tout le contenu de la correspondance entre
Marie-Antoinette et Fersen ayant survécu n’a pu être publié en 1877. En
effet, ces lettres à caractère politique étant hautement
compromettantes, une partie d’entre elles ont été écrites à l’encre
sympathique ou ont été chiffrées. Les premiers historiens, qui ignorent
le code, sont contraints de se fier aux versions déchiffrées découvertes
dans les papiers de Fersen. Il faudra attendre l’année 1931 pour qu’un
certain Yves Gylden révèle, dans une obscure revue de criminalistique,
la table adéquate de chiffrement. Puis 2008 pour que deux mathématiciens
de l’université de Cergy-Pontoise et de l’université de Versailles,
Valérie Nachef et Jacques Pattarin, l’appliquent aux documents chiffrés
et procèdent à des comparaisons.
La reine déclare sa flamme
Ce travail qui, sur le fond, n’a apporté aucune révélation
fracassante, a permis la découverte d’une lettre inédite et d’un nouvel
extrait, où la reine déclare sa flamme à Fersen. Au passage, on a aussi
pu apprendre que la reine se servait pour sa correspondance secrète
d’une technique de chiffrement sûre pour l’époque, quoique mal utilisée.
Un code dit « polyalphabétique » combinant une table de chiffrement
fixe et un mot-clé variable, inspiré des méthodes de cryptologie Porta
et Végenère imaginées deux cents ans plus tôt et couramment utilisée
dans les cours d’Europe. Il ne sera « cassé » qu’à la fin du XIXe siècle.
A cet obstacle d’ordre technique, il faut ajouter l’« énigme des
points de suspension ». Dans la publication de 1877, ceux-ci remplacent
les passages manquants de certaines lettres. Souvent placés au début et à
la fin des missives, ces « blancs » – qui correspondent à des parties
du texte caviardées, c’est-à-dire raturées à l’aide de boucles –
frustrent les historiens. A l’évidence, ils concernent la partie privée
de la correspondance. Celle qui est de nature amoureuse, comme le prouve
l’examen d’autres sources, notamment le « carnet » de Fersen et ce qui
reste de son journal. Qui a apposé ces ratures ? Est-ce Fersen
lui-même ? Ou l’un de ses descendants, qui aurait ainsi fait preuve
d’une pruderie grotesque ? Pressé de toutes parts, le vieux baron
Klinckowström refuse net de s’expliquer : il déclare vouloir emporter le
secret dans sa tombe ! Et, afin de décourager définitivement les
opportuns, il prétend avoir demandé à l’une de ses amies de retirer les
lettres raturées de la cassette (où elles étaient enfermées et dont lui
seul détenait la clé) afin de les brûler, une à une, devant lui, dans un
poêle placé en face de son lit !
En 2015, pareille polémique autour d’une banale affaire de sexe
paraît ridicule. Mais, dans l’histoire de France, Marie-Antoinette n’est
pas n’importe qui. « Grue » du Petit Trianon, dépensière, intrigante et
traîtresse à la patrie, adultérine aux tendances saphiques et même
incestueuses pour les sans-culottes et les républicains, elle est aux
yeux des royalistes une icône martyre, fidèle au roi et à la monarchie,
et donc évidemment vertueuse. De siècle en siècle, son image a été
brouillée par les passions opposées des deux camps, ainsi que par des
témoignages douteux. A cela, il faut ajouter l’immense influence du
cinéma. « Découvrir le texte caché sous les ratures permettrait
ainsi de confirmer et de préciser les sentiments très forts que la reine
portait au gentilhomme suédois. Même s’il est douteux qu’on puisse
savoir, à la lecture de ces déclarations d’amour, si la liaison était ou
n’était pas platonique », estime l’historienne du XVIIIe siècle Evelyne Lever, auteure de nombreux ouvrages, dont Marie-Antoinette. Correspondance (1770-1793) (Tallandier, 2005).
Les historiens stupéfaits
Car, contrairement à ce qu’avait déclaré l’irascible baron
Klinckowström, ces lettres n’ont pas été détruites ! Mise aux enchères
par les descendants de Fersen, une partie de la correspondance de
Marie-Antoinette et de l’aristocrate suédois – 13 lettres se
trouveraient encore à Stockholm – est achetée en 1982 par les Archives
nationales, où les lettres sont toujours conservées. Non sans
stupéfaction, les historiens qui, en un siècle, n’ont eu accès
qu’épisodiquement au fond privé de la famille Fersen et ne disposent
comme source sur ces documents quasiment que l’ouvrage de 1877 et
quelques photographies, vont découvrir dans ce lot de 51 lettres les
13 billets caviardés que l’on croyait disparus ! En tout, cela
représente 88 lignes de texte occulté dans 18 feuillets. Qu’est-il
écrit ? Nombreux sont ceux qui ont essayé de le découvrir, usant pour
cela des moyens les plus divers, allant du recours aux techniques
photographiques de l’Identité judiciaire à l’utilisation de systèmes
informatiques. La dernière tentative aura été la bonne. Elle a été
suscitée par les Archives nationales qui souhaitent, précise la
conservatrice Isabelle Aristide, « au terme de cette opération, mettre à la disposition des historiens une nouvelle publication de ces documents originaux ».
Elle a consisté pour les chercheurs du CRCC à tester divers procédés
d’optique et à en identifier un, adapté à cette application inédite. « La principale difficulté étant, explique Christine Andraud qui, avec Anne Michelin, a « encadré » le travail de Florian Kergoulay, que le texte original comme le caviardage ont tous les deux été tracés à la plume avec de l’encre noire. »
Pour arriver à distinguer ces jeux d’écritures superposés, l’équipe a
tiré parti du caractère artisanal des encres métallo-galliques utilisées
jusqu’à la fin du XIXe siècle. Faits d’un mélange aqueux de
sulfate de fer ou de cuivre, de tannins végétaux extraits de noix de
galle et de gomme arabique, ces pigments ont eu des compositions
variables suivant les époques et les lieux où ils ont été fabriqués. Si,
ont raisonné les scientifiques, l’encre des caviardages n’a pas la même
origine que celle des textes originaux, il sera peut-être possible
d’établir ce qui les différencie, de les discriminer sur les parties où
elles se recouvrent, puis de trouver un moyen d’accéder aux secrets de
la correspondance. C’est ce que le groupe de Florian Kergoulay a pu
démontrer après analyse par « fluorescence de rayons X sous
microfaisceau » d’une des lettres de Marie-Antoinette où les variations
de teneur en cuivre entre les encres étaient importantes.
Il s’agit d’un billet autographe, daté du 4 janvier 1792, adressé au
comte de Fersen, dont les chercheurs ont d’ores et déjà pu révéler la
partie camouflée – en attendant le décryptage, à venir dans les
prochains mois, des autres missives (les mots en romain ont été
interpolés). « Je vais finire [sic], non pas sans vous dire mon bien cher et tendre ami que je vous aime à la folie et quejamais je ne peu [sic] être un moment sans vous adorer », écrit la femme cachée derrière la reine.
Je n'ai pas posté de données purement généalogiques depuis bien longtemps: Ce n'est pas l'envie qui m'en manque mais le temps... Le temps de mettre au propre des recherches épisodiques tout au long d'une année 2015 à oublier, avec notamment les décès de ma grand-mère paternelle Jeannine Petitprez (descendante de Charlemagne via la famille de Bersacques) et de mon grand-père paternel Robert Bulcourt...
Des recherches épisodiques disais-je, mais loin d'être dénuées d'intérêt. Le premier trimestre de l'année a été consacré à mes ancêtres flamands et à la rédaction d'un article sur la famille Paeldinc d'Ypres pour le numéro "spécial Ypres" de la revue "Westhoek". Puis insensiblement, j'ai mis au repos mes ancêtres flamands et me suis consacré aux ancêtres italiens de ma compagne. Là, les avancées ont été modestes mais précieuses sur la Toscane (Montalcino notamment) ou sur la Sicile.
J'ai découvert le travail de jeunes chercheurs comme Salvatore Lo Piccolo ou d'universitaires beaucoup plus confirmés comme Domenico Ligresti sur Catane et sa noblesse.
Quoi attendre de 2016? La boule de cristal est bien floue. Probablement d'autres mauvaises nouvelles pour les "ancêtres" encore en vie. Pour le reste, plusieurs projets d'articles ou de livres qui finiront bien par voir le jour: un article sur mes ancêtres van Halewyn, un article voire un livre sur la saga des Sanchez de Saragosse entre l'Espagne et la Sicile, et un autre livre en gestation sur la généalogie sous toutes ses facettes...
Que 2016 me donne la santé et du temps libre, je ne demande que cela!
Bonne année -généalogique- à tous!
LE MONDE SCIENCE ET TECHNO
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Par Bruno Meyerfeld (Turkana, Kenya, envoyé spécial)
Sammy Lokorodi trace des signes dans la terre. Les yeux rivés au sol, il rejoue la scène. « Vous voyez, on était là, on cherchait. Et puis, on les a vus. » Le Kényan de 38 ans, originaire de la région du Turkana, dans le nord-ouest du pays, ouvre grand les yeux. « Si vous n’avez pas l’œil, si vous ne les connaissez pas, vous ne les voyez pas », s’amuse-t-il. Il enchaîne : «
On a appelé le reste de l’équipe… On leur a dit : “Venez, venez,
venez !” Ces pierres-là, elles n’étaient pas comme les autres. » Sammy rigole. Ce jour-là, il avait trouvé les plus vieux outils de l’histoire de l’humanité.
Désormais évaluée à 3,3 millions d’années, l’invention de la
technologie a été repoussée 700 000 ans en arrière. La découverte ne
doit rien au hasard : elle est le résultat d’une bien longue aventure.
Sammy Lokorodi, avec ses longues chaussettes blanches bien remontées le
long des mollets, n’en est pas à ses premières prospections. Depuis dix
ans, il est l’un des meilleurs « prospecteurs » de l’équipe de Sonia
Harmand, archéologue à l’origine de la découverte, à la tête de la
mission préhistorique française au Kenya, financée depuis 1994 par le
ministère français des affaires étrangères, qui fouille chaque année
sur la rive occidentale du lac Turkana.
Le Turkana : berceau et Far West de l’humanité. Lodwar, capitale de
la région, avec ses rues agitées, ses armes bon marché, ses petites
maisons sans étages et sa piste d’atterrissage cabossée, a tout du
western. Du haut d’un petit mont volcanique, un Christ rédempteur domine
la plaine et tient ses bras grands ouverts, comme pour donner de l’air
sous la chaleur écrasante. On est si loin de Nairobi… « Comment va le Kenya ? », demande-t-on aux visiteurs de passage.
Le « berceau de l’humanité »
On s’éloigne de la ville, on croise les derniers poteaux électriques,
les derniers restes d’asphalte, les dernières antennes paraboliques. De
jeunes bergers fouettent leurs chèvres, observent à distance des
troupeaux de dromadaires sauvages. Des groupes de femmes en tuniques
colorées, une trentaine de colliers autour du cou, marchent dans le
désert, canne à la main et petit tabouret de bois porté sous l’aisselle.
La vision est irréelle, hors du temps. Le « berceau » de l’humanité
n’est pas très loin du bout du monde.
A plus de 1 000 kilomètres et quatre jours de route de l’océan, la
seule fraîcheur vient du lac Turkana, bijou du Grand Rift, « mer de
jade » qui s’étale du nord au sud, sur 300 kilomètres de long et une
trentaine de large, alimenté par les lagas, rivières éphémères et redoutables, gonflées par les orages d’altitude.
C’est en amont de ces cours d’eau que l’on trouve les sites archéologiques. « Ne marchez pas n’importe où : vous risquez de détruire des preuves ! », prévient
Sonia Harmand. En cette fin novembre, l’archéologue emmène un groupe
d’étudiants à Lomekwi 3, où ont été retrouvés les outils. Les jeunes
gens la suivent en file indienne, bien disciplinés. Au sol, s’étale un
tapis surnaturel de fossiles de poissons et d’hippopotames
préhistoriques, d’éclats brisés et d’outils taillés vieux de plus de
3 millions d’années. L’homme est là, partout.
Pas loin, un monolithe couleur de boue célèbre le « Turkana Boy »,
jeune homme vieux de 1,5 million d’années, dont le squelette a été
découvert derrière une petite colline effondrée. Malgré l’éloignement,
on ne se sent jamais seul très longtemps au Turkana.
« Rock Star »
A 41 ans, dont dix-sept à fouiller le Rift, Sonia Harmand,
chercheuse au CNRS et enseignante à l’université américaine de Stony
Brook (New York) avec le Turkana Basin Institute, cumule les surnoms,
les égrène avec plaisir. « Rock Star » depuis sa découverte, ou encore
« Indiana Jones sans le fouet », elle est aussi « mama » pour les
Turkanas, qui la considèrent comme faisant partie de la famille. Chef du
« village gaulois » ou du « French camp », elle
mène chaque année, au mois de juillet, une équipe d’une trentaine de
chercheurs et de fouilleurs franco-américano-kényans sur les routes du
Turkana.
La passion du Rift, elle l’a au cœur depuis sa première visite au Kenya, à l’âge de 18 ans. «
Mes parents m’avaient offert un voyage au Kenya. A l’époque, je lisais
tous les aventuriers africains, Kessel, Monfreid, et les autres. » Après quelques jours de safaris, elle fait face à la faille du Grand Rift. « Ça
a été un vrai choc émotionnel. J’avais impression que ce paysage
m’était familier. Il y avait quelque chose de mystique dans ce que j’ai
ressenti ce jour-là. »
La jeune femme s’oriente vers l’archéologie. Parcours cinq étoiles :
Sonia Harmand réalise sa première fouille à Tautavel
(Pyrénées-Orientales), gratte le sol pas loin de Palmyre, en Syrie (où
elle croise la route de l’archéologue Khaled Assaad, qui sera assassiné
le 18 août 2015 par l’organisation Etat islamique). Mais son cœur reste
fidèle au Rift, où elle débarque en 1998, dans les pas de l’archéologue
Hélène Roche.
Sonia Harmand reprend en 2011 la direction de la mission
préhistorique au Kenya et décide immédiatement d’orienter les recherches
vers des zones plus anciennes. Les réticences sont nombreuses. Mais
l’archéologue est obstinée. Le 9 juillet 2011, elle part avec son équipe
à l’assaut du Turkana. « On avait les cartes à la main, raconte-t-elle. Mais on a pris un mauvais tournant, et on s’est un peu perdus. » Le petit groupe monte sur une colline, cherche des yeux la direction du lac. « Et là, on a vu le site. » L’endroit est sublime : un cirque bouillonnant et minéral, aux mille nuances d’ocre et de brun. «
C’était un endroit différent. On savait qu’on marchait sur des sols
très anciens. On s’est dit tout de suite qu’on pourrait peut-être
trouver quelque chose. »
Lomekwi 3 comme un champ de tulipes
L’exploration commence. La quinzaine d’archéologues et de fouilleurs
marche en ligne, les yeux rivés au sol. Les minutes passent. Les groupes
s’éloignent, se perdent de vue. « Et puis, soudain, j’ai entendu mon talkie-walkie grésiller, se souvient Sonia Harmand,
C’était un membre de l’équipe qui m’appelait. Sammy avait trouvé
quelque chose. J’ai marché dix minutes. J’ai senti que mon pas
s’accélérait. »
Au sol, les « cailloux ». La « peau » ne trompe pas : beige clair, gris pâle. «
On voyait bien que ces roches n’étaient pas restées très longtemps en
surface, qu’elles n’avaient pas été polies par les vents et le sable, raconte Sonia Harmand. J’ai vu les cicatrices sur les pierres, les éclats retirés délibérément : il n’y avait aucun doute. »
L’équipe se regroupe, plante au sol des dizaines de petits drapeaux
colorés rouges et orangés, signalant la présence d’outils ou de
fossiles. « C’était comme un petit champ de tulipes. » Lomekwi 3 est né. Des outils de pierre découverts au Kenya par Sonia Harmand. NICHOLE SOBECKI POUR "LE MONDE"
Débute alors un long travail. Il n’y a pas le droit à l’erreur : sept
géologues se succèdent sur le site afin de dater les outils. « Quand on travaille sur une période si ancienne, on ne peut pas faire usage du carbone 14, explique Xavier Boes, l’un des géologues de l’équipe.
Il a fallu se fonder sur l’analyse stratigraphique des tufs – des
roches volcaniques projetées lors des éruptions – trouvés à proximité
des sites et dont on connaît l’âge radiométrique. Mais tout ça prend du
temps : il faut marcher depuis l’endroit où l’on trouve les tufs
jusqu’au site, compter les couches sédimentaires successives. » La publication de l’article dans Nature prendra quatre ans. Sur la couverture : deux mains, deux roches et un titre : « L’aube de la technologie ».
Retour en arrière : moins 3,3 millions d’années. Le site de Lomekwi
est alors au cœur d’une forêt galerie, faite de buissons et d’arbres de
faible hauteur. Un premier grand lac vient à peine de se retirer. Mais
déjà, de petits groupes d’hominidés s’activent le long des cours d’eau. « On sait très peu de chose sur eux, explique Jason Lewis, paléontologue et codirecteur du projet. On
était dans une phase bipède, on ne marchait probablement pas trop mal.
Les hominidés de cette époque devaient faire entre 1 mètre et 1,50
mètre. » Le visage était très proche de celui des grands singes, mais la taille des canines et de la mâchoire déjà réduite.
« La capacité manuelle des hominidés était plus importante que pour le
chimpanzé. Le pouce était plus long et détaché : ils pouvaient faire le
salut du scout ! »
Cent vingt pierres taillées ont été retrouvées à Lomekwi 3. Pour
fabriquer les objets, deux techniques ont été employées : celle du
percuteur dormant, où le bloc à tailler (dit « nucleus ») est frappé
sur une enclume de pierre, afin de le faire exploser et de créer des
éclats tranchants ; et celle de la percussion bipolaire sur enclume,
plus élaborée, où l’on frappe avec une première pierre sur une seconde,
elle-même posée sur une troisième. Les pierres retrouvées à Lomekwi 3
sont grosses. « On les appelle les “pavetons” », s’amuse
Sonia Harmand. Les hominidés de l’époque n’avaient en effet probablement
pas encore les capacités pour tailler des pierres de petite taille,
comme on en trouve sur des sites plus « récents », tels les galets
oldowayens, vieux de 2,6 millions d’années.
Percussion bipolaire
Mais attention : si les deux techniques sont « simples, elles ne sont pas primitives ! »,
insiste Sonia Harmand. La percussion bipolaire nécessite en effet une
désynchronisation des deux bras et donc une capacité cognitive
développée. « Lomekwi n’est pas le fruit du hasard. Pour détacher
les éclats, il fallait une connaissance des angles, une maîtrise de sa
propre force. Les roches ont été sélectionnées. Il y a eu un
apprentissage, une transmission de la fabrication. Enfin, nos ancêtres
ont fabriqué des éclats tranchants en grande quantité. Il y avait un
contrôle de la production. »
La découverte pose des défis majeurs à la paléontologie. En effet, à –
3,3 millions d’années, on n’a découvert jusqu’à présent aucun
représentant du genre Homo, dont nous, Homo sapiens, l’homme moderne, sommes issus. Les restes des premiers Homo datent en effet (au mieux) de 2,8 millions d’années : 500 000 ans trop court pour les outils de Lomekwi.
L’invention de l’outil, premier acte technologique et culturel de
l’histoire, ne serait donc pas de notre fait. La découverte est
vertigineuse et mettrait fin au sacro-saint Homo faber, cher à Bergson, où l’outil fait l’homme, par opposition à l’animal. « Nous devons nous redéfinir, explique Jason Lewis. Soit
nous acceptons que nous faisons partie d’un ensemble plus vaste et que
nous partageons la technologie avec l’animal, car les outils ont
probablement été inventés par des espèces plus proches de l’ancêtre
commun avec le singe. Soit on est exclusif, et on se dit que la
spécificité de l’homme ne repose pas sur les outils. Peut-être
davantage sur la maîtrise du feu… »
A Lomekwi, les paléontologues du Turkana ont trois suspects. Deux australo-pithèques : Australopithecus afarensis (mieux connu du grand public sous le nom de « Lucy », découverte en Ethiopie) et Australopithecus deyiremeda
(qui vivait dans la région entre 4,1 et 3 millions d’années). Le
troisième candidat est plus sérieux, mais ne fait pas l’unanimité. Il
s’agit de Kenyanthropus platyops, découvert en 1999 au Turkana,
et dont des restes ont été retrouvés non loin du site, mais dont
l’existence comme genre à part est contestée par de nombreux
scientifiques.
« Australopithecus habilis »
Faut-il aussi débaptiser le pauvre Homo habilis, qui perd à Lomekwi son statut d’inventeur de l’outil, et donc d’« habile » ? « En fait, on pourrait même retirer Homo, explique Jason Lewis. Les récentes recherches sur le squelette et le crâne d’Homo habilis montrent qu’il est un melting-pot de différentes espèces, on trouve dans son crâne des caractéristiques d’Homo, mais aussi d’australopithèque et de chimpanzé. On pourrait même l’appeler Australopithecus habilis… »
L’homme vient du flou, sa généalogie est embrouillée, ses origines en suspens. Quel lien entre australopithèque et Homo
? Plusieurs espèces vivaient-elles à la même période au même endroit ?
Se sont-elles influencées pour l’invention des premiers outils ? La
mission préhistorique tente aujourd’hui d’approfondir sa découverte. Des
études tracéologiques sont en cours, traquant la présence de résidus de
sang ou de végétaux sur les « pavetons » lomekwiens afin d’en
déterminer l’usage. « Pour comprendre ces outils, il faut aussi les refaire »,
ajoute Sonia Harmand. Elle et son équipe ont collecté pour 700 kg de
roches près du site et tenté en 2013 et 2014, avec succès, de récréer
les outils.
Le Turkana, il faudra y revenir. « Rappelons-nous que toutes nos conclusions ne reposent que sur un seul site ! »,
insiste Sonia Harmand. Seule une petite partie de Lomekwi a été
excavée, d’autres sites sont à explorer. Sonia Harmand tourne
aujourd’hui son regard vers les chaînes basaltiques du Turkana, plus à
l’est : « Toute cette région est totalement inexplorée… »,
souffle l’archéologue. Sisyphe du Turkana, elle sait que les outils de
Lomekwi sont déjà bien trop élaborés et sophistiqués. S’ils sont les
plus anciens jamais découverts, ils ne sont certainement pas les
premiers. « Les tout premiers, ils seront sûrement trop proches
d’un simple caillou. Ils seront très difficiles à reconnaître. On ne les
retrouvera probablement jamais. »