Depuis que Luchino
Visconti a ébloui le monde avec son film « Le Guépard », la noblesse sicilienne
garde une aura qui ne se dément pas. Son mélange de faste, de raffinement
anachronique, ainsi que de nostalgie de fin d’un monde est un mélange qui continue
de fasciner bien au-delà des amateurs d’histoire ou de Sicile.
Il y a eu le livre
« Le Guépard » de Giuseppe Tomasi, prince de Lampedusa, mais aussi « I
Viceré » de Federico de Roberto, ainsi que des témoignages de première
main de personnes qui ont vécu cette vie de palais sicilien dans leur jeunesse.
C’est le cas du fameux joaillier et designer de bijoux Fulco di Verdura, de son
vrai nom Fulco Santostefano della Cerda, duc de Verdura, né près de Palerme en
1898 et décédé à Londres en 1978.
Né du mariage entre le marquis Giulio Santostefano della Cerda et
Carolina Valguarnera, fille du prince de Niscemi, il est par cette dernière
famille cousin de Tomasi di Lampedusa, l’auteur du roman « Le
Guépard ».
Dans son récit autobiographique « The happy summer days : a
sicilian childhood » publié à Londres en 1976, Fulco di Verdura évoque sa
jeunesse qui, à nous semble tirée tout droit d’un film de princes et de
princesses, mais qui était la réalité de la noblesse sicilienne jusqu’au début
du XXe siècle. La génération de Fulco est celle qui a connu les derniers feux
de cette classe aristocratique, c’est pourquoi son livre se lit comme l’histoire
d’un monde disparu.
Dans ce livre il évoque notamment sa famille paternelle d’origine espagnole, les
San Esteban y La Cerda italianisés en Santostefano della Cerda. Ce passage de
son autobiographie m’intéressait au plus point car mon épouse descend de cette
même famille et j’espérais y trouver des informations qui me feraient remonter
dans le temps mes recherches généalogiques.
Je fus cependant bien déçu. Fulco évoque bien son lointain ancêtre, le
roi Alfonso X de Castille et son fils Fernando, « el de la Cerda »,
qui avait épousé Blanche, fille du roi de France Louis IX, dit Saint Louis.
Lorsque Fernando mourut, ses fils étaient trop jeunes pour régner. On désigna
leur oncle Sancho comme régent mais celui-ci usurpa le trône. C’est pourquoi
Alfonso, l’aîné des fils de Fernando, eut désormais comme surnom « le
deshérité ». Ils tentèrent en vain de récupérer leur trône, on leur donna
en échange le duché de Medinaceli et ils gardèrent pour la vie le surnom de
leur grand père « de la Cerda » (que l’on pense avoir été attribué
parce que Fernando était poilu comme un cochon !) qui devint leur nom
patronymique.
Malheureusement, Fulco dans son récit sautait tout en grâce les
générations intermédiaires pour arriver aux de la Cerda établis en Sicile. La
particularité de leur patronyme garantissait leur origine commune mais les
individus qui reliaient Alfonso de la Cerda à ses descendants siciliens
demeuraient dans le plus grand brouillard…
Vous imaginez la frustration du généalogiste qui voit la perspective de
se rattacher aux rois d’Espagne et à Saint Louis mais qui n’arrive pas à
combler le fossé… Pendant plusieurs années je cherchais vainement à retrouver
trace de ce Girolamo de la Cerda, « Capitano Giustiziere di Palermo nel
1589 » et issu « del ducato di Medinaceli ». Le marquis de
Villabianca, dans son ouvrage de référence « Della Sicilia nobile »,
décrivait l’épitaphe très détaillée du monument funéraire des ancêtres de Fulco
et de ma femme, Diego de Santesteban et Ippolita de La Cerda, morts respectivement
en 1633 et 1626. On y apprend que Girolamo, le père d’Ippolita, est originaire
de Caceres (Espagne), qu’il était capitaine de cavalerie et que le patronyme de
sa propre mère était « Holahuin ».
Bien plus d’informations que l’on en trouve généralement sur nos
ancêtres lointains ! Mais malgré ces pistes multiples mes recherches
restaient vaines…
Jusqu’à la découverte providentielle (et récente) d’une mention dans
l’index de la collection de documents du fameux généalogiste espagnol Salazar y
Castro où on lit le texte suivant :
Otra
del emperador ( Fernando I ] a Felipe II , en recomendación del capitán
Jerónimo de la Cerda , [ natural de Cáceres ] , hijo de Hernán Pérez Golfín ,
maestresala que ha sido de dicho emperador , y nieto de Sancho de Paredes (Golfin,
camarero de los Reyes catolicos) para que le haga alguna merced. 17/12/1562
Cette courte mention nous
débloque l’ascendance de la Cerda et nous donne deux générations
supplémentaires ! On y apprend en effet que Geronimo (Jeronimo en
espagnol) est fils de Hernan Perez Golfin, « maître de salle » de l’Empereur
Felipe II, et petit-fils de Sancho de Paredes, « serveur » des Rois
Catholiques (le roi Ferdinand d’Aragon et la reine Isabel de Castille donc).
Muni de ces nouvelles
informations, je profitais des recherches poussées faites sur les familles de
Caceres par le Club Universo Estremeño de cette ville, en particulier le
tableau de la famille Golfin disponible à
https://www.flickr.com/photos/bibliotecavirtualextremena/50123620511/in/photostream/
Hernan Perez Golfin, le
père de Girolamo, avait épousé une Isabel de La Cerda, elle-même petite-fille
d’une autre Isabel de la Cerda. Six générations au-dessus de cette dernière,
j’arrivais à Luis de la Cerda qui, avec son épouse Leonor de Guzman, avaient
été nommés par le roi d’Espagne roi « des îles Fortunées » c’est à
dire des Canaries en 1344, ce qui ne valait pas grand-chose puisqu’à l’époque
les Canaries n’avaient pas encore été conquises… Luis était lui-même le fils du
fameux Alfonso « le deshérité ». La boucle était bouclée, Fulco
pouvait sourire là où il était, je l’avais enfin relié à Alfonso XI et Saint Louis,
et ma femme par la même occasion !
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