Il y a plusieurs familles
nobles Grimaldi en Sicile. Toutes sont très fières d’être
« cousines » du prince souverain de Monaco, Albert II.
Toutes gardent en mémoire
leur origine gênoise prestigieuse. La famille Grimaldi, l’une des quatre
maisons qui a dominé la République gênoise au Moyen Âge, a en effet donné six doges et a étendu son
pouvoir dans toute la Mediterranée grâce à l’activité commerciale de ses
représentants.
Tous les auteurs
s’accordent à dire que les Grimaldi arrivèrent en Sicile en deux moments
différents. Le premier en 1396 au travers d’un Enrico, fils de Carlo, seigneur
de Menton. Cet Enrico eut trois fils qui chacun créa sa branche, mais toutes
trois étaient éteintes en ligne masculine dès 1802.
L’autre Grimaldi à venir
faire souche en Sicile fut en 1554 un certain Agostino Grimaldi, fils de Francesco dont on précisait qu’il
était issu « de la branche des Grimaldi detti Cavalleroni di
Genova ».
Cet Agostino, homme ambitieux qui s’établit à Modica, eut de son épouse
Leandra Crispo six enfants pour lesquels il commença à rassembler une
impressionnante collection de titres et fiefs. Sa volonté d’enraciner sa
famille dans les réseaux de la noblesse sicilienne se fondait aussi sur une
stratégie matrimoniale bien pensée pour ses enfants. Il maria son aîné Giuseppe
à une riche héritière, Antonia
Laurefice, fille unique qui ramena dans la corbeille de mariage un certain
nombre de baronnies.
La famille prospéra et s’étendit à Mineo ou Catania. C’est dans cette
dernière ville que les Grimaldi, barons de Serravalle, résident encore
aujourd’hui.
Cette origine gênoise des Grimaldi siciliens, en dépit de quelques incohérences chronologiques faisait donc consensus, à tel point que le prince Albert II de Monaco visita Modica et Ragusa en octobre 2017 en précisant dans un italien parfait qu’ils avaient « des origines communes » ! Il n’y avait qu’un problème mais un problème de taille, Agostino le fondateur de cette « dynastie » Grimaldi de Sicile n’était pas un Grimaldi…
C’est un historien local,
Francesco Pellegrino, qui découvrit la supercherie dans les archives espagnoles
au travers du témoignage de son fils Giuseppe, qui postulait comme cavaliere dell'ordine di Nostra Signora di
Montesa et détaillait ses ascendants. F. Pellegrino publia le resultat de
ses recherches dans son ouvrage "Giuseppe Grimaldi. cavaliere dell'ordine
di Nostra Signora di Montesa" publié en 2018.
Agostino Grimaldi était
en fait Agostino Caser, fils d’un intermédiaire financier gênois établi à
Medina del Campo en Espagne, Francesco Caser, et de son épouse locale Francesca
Peña. Il semblerait qu’Agostino se faisait déjà passer pour un Grimaldi à
Medina afin d’impressionner ses compatriotes établis dans la même ville. Il
réussit à se faire remarquer par l’Amiral de Castille qui l’envoya s’occuper de
ses « affaires siciliennes ». Il commença par s’établir à Siracusa où
se trouvait déjà son frère Gregorio, officier de l’Inquisition. De fil en
aiguille, il fut nommé juge du tribunal de l’Inquisition de Palermo, en
résidence à Modica. Cette fonction lui fut très utile pour sauver des plus
grands châtiments son fils Giuseppe, convaincu d’avoir assassiné le fils
d’Eleonora Mirabella. C’est à Modica qu’en bon chasseur de dot, il
demanda la main de Leonor Crispo, fille de la châtelaine de Ragusa. Nommé
Contador general de la comté de Modica, il introduisit une innovation
comptable, base de la comptabilité moderne.
Il mourut en 1593
satisfait d’avoir atteint son but et d’avoir enraciné sa famille dans les
réseaux de noblesse locale. Il fallut plus de 400 ans pour que l’entreprise de
dissimulation de son identité réelle fut démasquée par un tenace historien
sicilien qui s’attacha aux bases de la recherche historique : confronter
les sources et préférer les archives officielles aux archives familiales….
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire