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FRANCAIS
L'histoire en tant que science et champ d'études est en pleine mutation. Grâce aux apports constants de l'archéologie, de la génétique, ainsi qu'à la confrontation avec d'autres sciences humaines (anthropologie, sciences sociales) ou "sciences dures" (démographie, biologie, statistiques) ce que l'on pensait acquis sur l'histoire et la généalogie des peuples est constamment enrichi et remis en question. Ce blog a pour objet d'informer sur certaines découvertes qui modifient (ou pourraient modifier) nos connaissances sur nos ancêtres, des premiers homo sapiens jusqu'à nos grands-pères...
ENGLISH
History as a science and a field of study is undergoing significant changes. Thanks to the contribution of archaeology, genetics, as well as exchanges with other human sciences (anthropology, social sciences) or "hard sciences" (demography, biology, statistics), historical and genealogical facts that were once considered to be established or "written in stone" are now being questioned, revised and enriched. The aim of this blog is to inform and discuss current discoveries that modify (or could modify) what we know about our ancestors, from the first homo sapiens to our grandfathers...
jeudi 22 janvier 2015
Déchiffrer les documents anciens..très anciens...
ARTICLE PARU DANS LE JOURNAL "LE MONDE" DU 20 JANVIER 2015
Des papyrus antiques carbonisés déchiffrés à la lumière des rayons X
Lire sans les ouvrir le
contenu de livres vieux de plus de 2 000 ans, dont la surface est aussi
noire qu’une feuille de journal brûlée dans un four à 330°C... Depuis
leur découverte en 1752 lors de fouilles archéologiques, aucune
technique n’avait permis de déchiffrer sans tenter de les dérouler,
l’intérieur des rouleaux de papyrus carbonisés d’Herculanum, ensevelis
sous les décombres de l’éruption du Vésuve en 79. Jusqu'à ce qu'une
équipe internationale ne les soumette au rayonnement synchrotron de
l'ESRF, à Grenoble. Dans la revue Nature Communications du 20 janvier, elle décrit comment elle a commencé à faire parler ce trésor mutique.
deux mots dévoilés dans une des spires Il aura donc fallu plus de deux siècles de tentatives et de
recherches, pour espérer enfin décrypter sans les détériorer l’ensemble
de ces manuscrits –des traités philosophiques épicuriens
essentiellement. Ils constituent la seule bibliothèque de l’Antiquité
retrouvée complète à ce jour. Même les sables d’Egypte, autre grand
pourvoyeur de papyrologie littéraire grecque, n’ont jamais révélé de
collection aussi conséquente.
Au nombre de 1840 fragments dont la reconstitution pourrait représenter 600 à 1200 rouleaux selon les spécialistes, ces volumen ont
été exhumés des vestiges de la villa de l’influent politicien Pison -
le beau-père de Jules César. Ils datent pour les plus anciens du IIIe siècle avant J.C., jusqu’au premier quart du Ier
siècle pour les plus récents. Herculanum était alors une chic station
balnéaire de la baie de Naples, aujourd’hui engloutie sous 20 mètres de
poussières volcaniques, où les grandes familles romaines prenaient
quartier l’été et rivalisaient de chefs-d’œuvre artistiques à l’ombre de
leurs palais saisonniers.
Ces papyrii carbonisés ont d’abord été
pris par les archéologues pour des morceaux de bois sans valeur, avant
qu'ils ne réalisent leur nature véritable – possiblement grâce à l’umbilicus,
la tige au centre des rouleaux. Les chercheurs depuis n’ont eu de cesse
de tenter d’ouvrir les rouleaux de cette bibliothèque unique, longs de 3
à 15 mètres, et à les transcrire. A ce jour, plus de 400 d’entre eux
–les moins abîmés - ont pu l’être, avec des techniques toujours plus ou
moins destructives.
Fragment d'un rouleau des papyrus d'Herculanum Parmi les procédés mécaniques imaginés, le moins nuisible
aura sans doute été la machine à déroulement par pesanteur mise au point
par le père Piaggio, conservateur à la bibliothèque du Vatican
spécialement dépêché à Naples en 1753, permettant jusqu’au début du XXe
siècle l’ouverture millimètre par millimètre de plusieurs centaines de
cœurs de rouleaux, encore étudiés aujourd’hui. Toutes les autres
tentatives – de la technique d’ « écorçage » consistant à gratter les
rouleaux couche par couche jusqu’au simple couteau de boucher pour
disjoindre les spires-, ont réduit en écailles sinon complètement
détruits ces spécimens uniques, et rompu l’unité de leurs corpus en un
puzzle géant.
Tant et si bien que les institutions gardiennes de
ce trésor littéraire, la Bibliothèque nationale de Naples
principalement, la British Library de Londres et l’Institut de France,
étaient devenues particulièrement rétives à prêter leurs précieux
exemplaires, échaudées par deux siècles d’expérimentations malheureuses.
Avec le développement des techniques d’imagerie, les scientifiques
planchent depuis près de 20 ans sur le moyen de scruter virtuellement
les manuscrits.
Eviter toute nouvelle perte
L’enjeu
consiste non seulement à éviter toute nouvelle perte, mais surtout à
accéder au contenu des rouleaux « désespérés » –plus de la moitié de la
bibliothèque classique d’Herculanum-, restés scellés et muets jusqu’à
présent, en raison de l’agglomération et de la déformation profondes de
leurs spires sous la fournaise du volcan. L’utilisation de l’imagerie
infra-rouge en particulier a permis à la fin des années 1990 des
avancées considérables dans la lisibilité des manuscrits, en révélant le
contraste infime entre l’encre fabriquée dans l’Antiquité à partir de
noir de fumée et de gomme arabique, et la feuille de papyrus carbonisée,
mais uniquement pour les couches déjà ouvertes. La solution pour pénétrer les couches invisibles des
rouleaux sans même les effleurer pourrait donc avoir été trouvée par une
équipe internationale de chercheurs issus du CNR italien, de l’ESRF, et
du CNRS, composée de physiciens, de mathématiciens et d’historiens.
Elle repose sur la lecture virtuelle de ces papyrus millénaires, en
appliquant une technique non invasive d’imagerie par rayons X à
contraste de phase, utilisée au synchrotron européen de Grenoble et
jusqu’à présent essentiellement dédiée aux recherches physiques et
biomédicales. Même le recours à une source conventionnelle comme la
microtomographie aux rayons X, employée aujourd’hui en science des
matériaux, en paléontologie ou en archéologie, n’y avait pas suffi : la
différence d’absorption des ondes par l’encre et le support demeurait
beaucoup trop faible pour être lisible.
Des lettres hautes de 2 à 3 mm
«
Avec l’imagerie X en contraste de phase, il est possible d’obtenir une
information supplémentaire décisive, 100 à 1 000 plus sensible que le
phénomène d’absorption, -la différence d’indice de réfraction-, de
l’ordre de quelques centaines de microns, entre les différents
matériaux. C’est grâce à elle et à la surépaisseur de l’encre sur le
papyrus que l’on a pu faire apparaître des lettres de l’alphabet grec
hautes de 2 à 3 mm dans le cœur de la matière », explique Emmanuel Brun, co-auteur de l’article paru dans Nature Communications, mathématicien et chercheur à l’ESRF.
Pour
l’instant, seuls deux rouleaux mis à disposition de l’équipe par
l’Institut de France, dépositaire de six volumes offerts à Napoléon
Bonaparte par le roi de Naples en 1802, ont été imagés par cette
technique sous une ligne de lumière du synchrotron grenoblois, en 5
heures à peine chacun... A titre de comparaison, une année était
nécessaire à la machine du père Piaggio pour dérouler trois mètres de volumen.
Pas de grands textes
De
quoi donner un coup d’accélérateur précieux à l’exploration des papyrus
d’Herculanum… et espérer trouver des œuvres antiques aussi recherchées
que les poèmes perdus de Sappho, les pièces disparues de Sophocle ou
encore les textes évanouis des dialogues d’Aristote ? « La
bibliothèque retrouvée sur le site à ce jour, majoritairement rédigée en
grec ancien, et pour une centaine de rouleaux en latin, ne détient pas a
priori de grands textes littéraires, poétiques ou historiques de
l’Antiquité », précise Daniel Delattre, également co-auteur de l’article et papyrologue au CNRS, dont c’est le sujet de recherche depuis 30 ans.
A travers ces textes inconnus pourtant, dont une partie des livres de De la Nature du philosophe Epicure -la principaledécouverte pour l’heure-, et les nombreux écrits d’un certain Philodème de Gadara, l’un de ses disciple, se révèle « une passionnante mise en abyme », affirme l’historien. « On y découvre des textes stoïciens complètement perdus, et la compilation inédite de textes de grands auteurs des IVe et IIIe avant notre ère tels qu’Aristote, Théophraste, ou Héraclide du Pont », précise Daniel Delattre.
Un défi: reconstruire virtuellement le texte
Le
site d’Herculanum n’a pas livré tous ses secrets. Un troisième étage de
la villa, situé au niveau de la mer et composant une partie des
appartements du richissime maître des lieux, dont l’existence a été mise
au jour dans les années 2000, attend le feu vert des autorités
italiennes pour être exploré.
D’ici là, l’équipe internationale,
forte du premier succès, doit procéder à d’ultimes réglages sur les
lignes du synchrotron grenoblois pour optimiser la sensibilité de sa
nouvelle technique. Avant d’élucider cette passionnante énigme
historique, un ultime défi –et peut-être le principal– doit aussi être
relevé par les scientifiques : celui de l’analyse des données pour
reconstruire virtuellement au moyen d’algorithmes la succession des
lettres détectées par le faisceau au cœur des papyrus, ou comment le big
data rattrape aujourd’hui la papyrologie... « Il y a plusieurs années detravail devant nous. On est au tout début de l’aventure », insiste Daniel Delattre, qui précise aussi que toutes les données seront en libre accès.
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